lundi 8 avril 2013

"Le bonheur par procuration" ou le Marathon de Paris 2013

Revenir sur les traces de son premier marathon a quelque chose de particulier et de le faire partager aux autres offre une émotion vraiment à part. Cette édition 2013 du marathon de Paris nous a fait vivre de belles émotions. J’avais, avec beaucoup de plaisir, endossé le rôle du coach pour aider Aurélie et Lilian à finir leur premier marathon. Conseils, mise en évidences des pièges, trucs et astuces, bref il a été question de préparation spécifique pour affronter 42 bornes. Il est toujours difficile de respecter à la lettre l’entrainement prévu et c’est d’ailleurs là que se joue la performance. Une prépa rigoureuse (quelle que soit son intensité) et bien équilibrée est la clé pour réussir avec le plaisir. Qu’on ait bien ou mal dormi la veille n’y change pas grand-chose. Quand on est bien préparé, on est armé pour faire face, pour projeter son corps sur une distance pas toujours humaine. Dans le cas contraire, on souffre…et sur 42 bornes !

Posté au 32eme kilomètre, le Coach attend ses ouailles. Avant cela il a droit au spectacle hallucinant des kenyans qui volent à plus de 20km/h ! Foulée parfaite et sans bruits, ces hommes impriment un rythme qu’aucun « non kenyan » ne saurait tenir. Arrivent ensuite l’élite et les très bons amateurs (moins de 3H) qui font parler la poudre. Fruit d’un entrainement rigoureux et relativement intense, ils viennent tous convertir leurs efforts préparatoires contre un beau chrono et une énième médaille. Suivent ensuite les amateurs performants (3H30) puis les coureurs qui courent d’avantage pour finir et se prouver à eux-mêmes qu’ils en sont capables. 40 000 individus au révélateur Marathon. Certains sont faciles, d’autres beaucoup moins. Certains y trouvent un vrai plaisir, d’autres finissent par se demander ce qu’ils sont venus faire là…       

12H.Toujours pas d’Aurélie et de Lilian. Entre temps 2 copains de Fabrice, venu « coacher » comme moi, sont passé avec des chronos intermédiaires qui me laissent encore rêveur. Ils finiront respectivement en moins 3H et 3H05 grâce à un entrainement que je n'oserai pas m'appliquer!  

13H. Bip bip SMS : “On est au 27”. Aurélie et Lilian se rapprochent. Avec un peu d’avance Michel (un autre ami de Fabrice) est arrivé au km 32 un peu désabusé. Il a mal, il souffre, il veut vraiment arrêter. Pour lui ce marathon est un « échec ». Son visage trahit sa déception. On le convint de poursuivre, de le finir. Allez quoi Michel ! Il n’a pas trop le temps de gamberger. Fabrice lui montre la voie et va lui servir de partenaire jusqu’à la ligne d’arrivée. Bravo ! Encore un qui aura vaincu ses souffrances et qui s’offre un bonheur XXL avec la complicité et la générosité de Fabrice dont on reparlera bientôt sur ce blog...
A 9 kms du Bonheur! Aurélie facile, Lilian moins...
13H25. Ca y est, je les vois ! Ils sont là mes coureurs et leur rythme fait plaisir à voir. Pas trop de dégâts apparemment. Aurélie est en mode « MP3 » pour se donner un peu de courage et Lilian est en mode « Survivor » à cause de mauvaises crampes qui gâchent un peu son marathon. Je  les accompagne sur les 10 derniers kilomètres en essayant de trouver les mots justes et de donner à Lilian (qui en a le plus besoin) les raisons d’y croire. Celles et ceux qui nous entourent n’ont pas tous fière allure. Ils avancent sans mentir à leur corps et vont aussi au bout d’eux-mêmes. Les encouragements des spectateurs associés à quelques groupes  de musiciens venus bénévolement couvrir  le souffle de ces armées de coureurs ruinés par la fatigue donnent à ces deniers la distraction nécessaire et les fait avancer. Certains relèvent la tête, d’autres sombrent un peu plus mais la ligne se rapproche ! Km 40. « Lilian, tu as la porte maillot en visu! Allez finis moi ça proprement ! ».
Aurélie est là aussi. Plus de doute, ces deux là vont devenir marathoniens dans moins de 15 minutes.
Evie in the run avec ce beau tee shirt événement qui fait
la promo de son prochain album (avril 2013).
Evie vient d'inventer le runing marketing, rien que ça! 

Lilian nous pousse un dernier cri de guerre dont il a le secret et qui a le mérite de « réveiller » ceux qui dorment autour de nous. Je lis dans ses yeux la détermination, le refus de céder, l’envie d’y croire, la sur motivation qui fait "la diff". Lilian a clairement pris les commandes de son corps qui exécute désormais les ordres du Général en chef. L’échec lui est devenu totalement étranger. L’échec ira habiter un autre corps, peut être celui du voisin mais en tout cas pas le sien, pas aujourd’hui !  Je les regarde et je me vois au même endroit 4 ans plus tôt dévorés pour la toute première fois par des émotions incroyables. C’est un truc assez inouï quand tout ton corps se met à trembler. Ta tête  félicite tes jambes et inversement et toi tu restes le témoin muet de cet échange unique et fort qui passe inaperçu  pour le spectateur posté derrière sa barrière métallique qui continue de brailler je ne sais quoi. A cet instant le coureur n'entend plus rien. Il est dans une bulle que rien ne saurait perturber. Flamme rouge, 300 derniers mètres, l’ivresse est trop forte. Certains se laissent aller et craquent déjà de bonheur. Les yeux se mouillent et ce n’est ni la pluie ni la sueur…Le corps se fait léger et ignore presque sa douleur. Je salue mes deux coureurs et prends congés pour mieux respecter l’intimité du moment qui va suivre et qui finalement leur appartient : leur ligne d’arrivée. Je m’éloigne du bruit de la foule venue acclamer ses vainqueurs. L’écho du speaker s’atténue peu à peu et je me retrouve sur un grand boulevard quasi désert. Je me souviens, je me rappelle.  4 ans plus tôt, c’était « Ma ligne » et aujourd’hui j’ai éprouvé du plaisir à la partager.

Bienvenus à Aurélie et Lilian qui agrandissent notre belle et noble famille de  Marathoniens !