vendredi 10 novembre 2017

Une revanche, un triomphe et un record!

The big four ou "Special 15-15" réuni!
Les mots me manquaient. Je ne savais pas quoi écrire. Encore sur mon nuage...l'édition 2017 du marathon de New York restera pour moi un très grand moment à plus d'un titre! J'ai été payé de la plus belle des manières après une préparation certes exigeante mais réalisable. J'ai développé de la confiance, connu quelques petits "bobos" mais j'ai fini fort. Je me répétais souvent durant mes entrainements "I'm strong, I'm fast!", bref je sentais être promis à une bonne performance. J'ai texté la veille "quelque chose va arriver..." car j'étais confiant dans ma capacité à taper mon record (3H26 à Berlin) mais de là à descendre sous les 3H20...compte tenu de ce que vous allez découvrir plus bas, non vraiment pas! Êtes-vous prêts à revivre cet exploit et à partager l'intimité de ma performance? Alors remontons le temps!

Biz Bed expérience! Merci Kian!
Paris Orly, mercredi 1er novembre. J'ai droit à un traitement VIP à mon arrivée au comptoir de British Airways. Mon ami Kian a passé des consignes qui vont au délà des mes espérances (accompagnement jusqu'au Lounge puis surclassement en Biz Bed!). A mon arrivée à Newark, je suis presque aussi frais qu'au décollage, du jamais vu! Merci Kian! J'arrive dans Manhattan et suis saisi comme d'habitude par la hauteur des buildings. Les parfums sucrés/salés des kiosques des vendeurs ambulants parviennent à mes narines, les sirènes des véhicules de police hurlent...bienvenue à NY!

Le lendemain commence de la plus belle manière avec un décrassage dans Central Park et bien entendu au "Réservoir". Central Park est naturellement aux couleurs du marathon. Barrières, drapeaux, tribunes, ligne d'arrivée...tout est fin prêt pour dimanche. Cela fait aussi grandir notre excitation. Il n'y a pas de meilleur moment que celui là. Quand tu sors d'une prépa de 2 mois et demi et que tu cours au Réservoir avec des centaines de joggeurs venus du monde entier, tu réalises ô combien la chance d’être là. Le reste de la matinée est consacrée au retrait des dossards dans le Jacobin center. C'est la grande messe commerciale ou "New Balance" a mis le paquet pour nous faire cracher quelques dollars et ça marche! Il fait chaud à NY et l'on retrouve vite en teeshirt. Tout serait parfait si je ne ressentais pas une douleur au tibia droit depuis deux bonnes heures. Mais qu'est ce donc que ça? Nous déambulons dans NY, visitons "one world observatory" (Liberty Tower) puis allons faire un tout sur le Brooklyn bridge envahi par les touristes et marathoniens. De retour à l'hôtel, je décide de "traiter" mon problème au tibia qui ne s'arrange pas. Aspirine + glace, on verra bien demain...
Sans danger...

I LOVE Réservoir!

Vendredi matin. La nuit a été compliquée malgré la mélatonine fraichement achetée. J'ai fait l'erreur de surfer sur le net pour rechercher l'origine de mon trauma au tibia: Périostite Tibiale! Les avis et conseils formulés ont l'air unanimes : stopper toute activité physique...Glups! et je vais faire  comment moi pour courir dimanche? Honnêtement j'ai encore plus mal que la veille. Marcher est déjà un peu douloureux... alors courir? Dès le petit déjeuner, mes amis sentent bien que je suis tracassé, à juste titre, par ce tibia. On allège un peu le programme, on favorise au maximum le métro, bref on tente de  mettre les chances de mon côté. Vendredi soir, match NBA au Madison Square Garden. L'ambiance du match me fait complètement oublier mon tibia. On passe une belle soirée en attendant la traditionnelle course de 5 kilomètres (ONU Dash Run) qui a lieu le lendemain. Normalement c'est un gentil warm up pour les coureurs venus des 4 coins du Monde mais pour moi cela va ressembler à un test couperet : ça passe ou pas...double dose de mélatonine!
Madison Square!

Go KNICKS Go!

All set!
Samedi matin, je suis un peu tendu mais je vais vite savoir. Nous quittons l'hôtel en compagnie de nombreux français venus courir le marathon. La plupart sont des novices et certains courent même leur tout premier marathon. On trottine à peine, donc difficile de se faire une idée. Arrivés à Times Square on rejoint pas loin de 200 coureurs français pour la traditionnelle photo souvenir. Clic clac et avant vers Grand Central Station. Bon, faut que je sache là, parce qu'on fait quasiment que marcher. Sur la 42eme qui mène à l'ONU, je place deux trois accélérations légèrement soutenues. Ça fait mal mais c'est assez gérable. Est-ce que la douleur va s'amplifier au fil des kilomètres? On intègre notre SAS de départ. Bon soyons clairs, il n'y a strictement jamais eu d'enjeu sportif lors de cette course. Il s'agit de profiter d'un moment de convivialité entre coureurs étrangers. Le départ est enfin donné! Je cours, ça tient ! Ça chauffe mais j'ai malgré tout de bonnes sensations. Pour mieux me rassurer je me mets sur mon rythme marathon (4'40'' au kilo soit un petit 13km/h), ça tient toujours. Je fais de nombreux aller retour vers mes amis car je cours évidemment trop vite. Logiquement je ne devrai pas m'imposer ce rythme la veille d'un marathon mais là, il y a comme une urgence à savoir si le mal est profond ou non. On s'offre un final à 4 sur la ligne d'arrivée. J'ai retrouvé un mental d'acier car je sens la chose possible. Plus de doutes, je serai de la partie demain! L'excitation qui était retombée vendredi est repartie de plus belle! Je jubile littéralement à l'idée de "pouvoir" courir demain.
4 coureurs et 5 kms pour se rassurer! You have a GO!

La journée s'enchaine à merveille. J'assiste à un match parfait du PSG à Angers (victoire 5 - 0) depuis le repère des supporters parisiens exilés à NY (Legends Bar sur la 33eme). La "petite bière" devant le match ne me manque même pas. En sortant, je m'offre un Wendys vite fait bien fait au pied de l'Empire State.
Magic and quiet time on the "High line"


Dans l'après midi nous faisons une petite promenade sur la High Line. On y croise pas mal de coureurs venus comme nous s'oxygéner un peu avant la course. Le temps est incroyablement doux. Dernier rayon de soleil face à l'Hudson River, il est temps de rejoindre l'hôtel et d'y préparer la "Pasta Party" agrémentée du Gatosport cuit dans l'après midi. J'ai prévu un film "docu" sur le running qui s'intitule "Free to run". Film qui retrace notamment le combat de certaines femmes qui ont du lutter sévèrement pour avoir le droit de courir aux côtés des hommes plutôt que de courir dans leur cuisine...On y voit aussi le développement et ascension irrésistibles de Fred Lebow et de son marathon de NY. Ces images nous inspirent. 21H30 dispersion dans nos chambres. 23H je ne dors pas. Comme je sais qu'on gagne une heure cette nuit, j'ai moins de scrupules. Le réveil est réglé à 4H30. 1H30 (nouvelle heure) j'ouvre un œil. Pendant trois heures je ne vais pas vraiment dormir. Je ressens trop l'évènement, impossible donc de me rendormir mais ça n'a aucune importance car la dernière nuit ne compte jamais, parole de marathonien!

Dimanche 5 novembre, NY s'éveille. Il fait encore nuit. Je descends petit déjeuner, enfin finir mon gatosport en compagnie de mes amis. Edith, après une alerte gastrique, va beaucoup mieux. Moi, j'ai un sourire aux lèvres qui ne me quitte pas. Je sens quelque chose arriver...Rien ne pourra se mettre en travers de mon chemin. Les cars démarrent selon un ballet parfaitement rodé et nous déposent au Fort Wadforth. L'attente va durer plus de deux heures. On s'allonge sur un tas de paille qui isole nos corps du sol froid. Edith a cette réflexion amusante: "tu claques près de 3000€ pour venir à NY et tu finis dans la paille!". Selon une source, le salaire médian des américains qui participent au marathon est de 100 000 $ annuels. Et tout ce beau monde finit comme nous... dans la paille!
Dimanche 4H30, let's Rock!

9H50 - Verrazano Bridge - Le canon des marines tonne deux fois, Boum Boum c'est parti! Le pont est long (3 kms), surtout ne pas partir trop vite et garder la tête froide malgré les nombreux hélicos qui te survolent (NYPD, CBS, Média...), le vent qui forcit et mes jambes qui sortent de trois heures d'attente statique. Passé le pont, on pénètre dans Brooklyn ou l'accueil est dingue! J'avais oublié que les américains ne faisaient pas les choses à moitié : ils brandissent des pancartes dont les messages s'adressent à tous, ils te hurlent dessus, actionnent des cloches qui tintent par centaines, crient "Allez la France!", te disent que tu "look awesome!", bref ça braille tellement que tu ne peux même pas entendre ton MP3! Mon rythme est parfaitement calé avec mon objectif initial, les kilos défilent en 4'40'' voir un peu moins. 5, 10, 15, 20 bornes très propres, pas de douleurs trop fortes. Arrivé sur le Queensboro bridge les choses se corsent sérieusement car mon rythme chute dans cette montée assez sévère...5'40'' au kilo!! serait-ce déjà le mur? Autour de moi, les visages sont un peu plus fermés, la plupart sont dans le dur. Cette portion est très silencieuse car totalement dépourvue de spectateurs. Puis la rumeur se fait entendre à nouveau car on s'approche de la 1ere avenue. Ma vitesse redécolle, le passage du pont était un simple avertissement sans frais. J'enquille les 7 bornes de la 1ere avenue sans faillir et toujours sur le bon "pace time". Au 35 ème, je sens que je fournis un peu plus d'efforts pour maintenir le rythme mais rien d'insurmontable. Les new-yorkais nous soutiennent comme si leur vie en dépendait, totalement incroyable! Sans mentir, j'ai du entendre au moins 1000 fois les new-yorkais me dire "Go France, Silian ou allez France!". Tu ne peux pas tous les remercier, alors tu tapes dans leurs mains de temps en temps et ça me donne un surplus d'énergie. J'ai beaucoup de mal à comprendre ceux qui disent qu'on ne vient pas à NY pour "faire un chrono"...Bien au contraire! Avec une foule aussi hystérique, comment veux tu ne pas tout donner? Et je donne beaucoup. Je sens qu'aujourd'hui je peux accomplir la course parfaite, sans aucune sensation de "mur", à un rythme maitrisé jusqu'au dernier kilomètre, le run le plus abouti de ma vie, c'est aujourd'hui! Alors oui je suis un peu dans le dur dans la montée de central park ou un idiot (le même à chaque fois?) hurle à qui veut l'entendre "one more mile to go!" alors qu'il en reste au moins 3 assho...! Vient enfin mon moment de grâce. Sur ma droite je laisse le "réservoir" pour courir sur un ruban légèrement vallonné. Il ne reste plus que deux kilomètres. Je profite d'une première petite descente et je constate que je double un paquet de coureurs. Je m'offre même un kilo en 4'30'' alors qu'on est au 41 ème! Amazing. 42eme, je continue d'en doubler un paquet, j'arrive sur les derniers 400 mètres entouré des drapeaux de tous les pays. La ligne d'arrivée approche. Avant de faire ma "célébration" habituelle, je lève la tête au ciel et adresse un message aux deux êtres chers à qui j'ai pensé à chaque kilomètre (Dad and Jef) et qui m'ont bien accompagné. Je pense aussi à mes grands-mères..."je suis un gars de Sèvres moi! On me la fait pas!". Je m'allonge sur le sol et embrasse le bitume. Je repars les bras tendus et franchis la ligne. 3H18'08''! Boum! Moment de joie intense, mon corps continue d'avancer tout seul alors que les "Finishers" autour de moi semblent être dans de grandes souffrances...L'émotion ressentie n'a aucun équivalent. Ça valait bien trois mois de prépa et deux ongles (ce que je découvrirai après...).

Dephine, Edith et Olivier, partis en vague 3, prolongent le plaisir et finiront respectivement en 3H56 et 4H (je fais grâce à Edith de ces fameuses et couteuses 16'' sans lesquelles son bonheur aurait été total...enfin 16'' c'est quoi sur un marathon? 0.1%...n'en parlons plus!).

Mon nom en "page 2" du NY Times special edition

ÉPILOGUE: D'abord techniquement cette perf m'a "contraint" à modifier le titre du blog. Ce marathon restera comme le plus accompli ce qui m'a valu un texto du Coach "Je suis fier de toi...". So proud! Plus je vieillis et meilleures sont mes perfs. Je pense qu'il me reste encore des records et des émotions inoubliables à aller chercher. Mon corps, cet instrument incroyable que je commence enfin à comprendre et maitriser après 12 ans de pratique, m'a fait un sacré clin d’œil. 12 ans sur l'échelle d'une vie c'est pas grand chose finalement. Il m'est encore difficile de décrire ce que je peux ressentir au plus profond de ma chair. Peut-être qu'un jour mes enfants pourront vivre de pareilles sensations et pourront ressentir cette véritable "connexion" avec leur corps. Moi je vais continuer d'explorer mes limites pour éprouver ces moments de rare intensité. Le message envoyé à New-York était "Regardes, je suis vivant! et à travers moi ceux que j'aime aussi!". Maintenant que toute cette fièvre est un peu retombée, une question trotte dans ma tête : "Quel message vais-je pouvoir envoyer à Londres (22/04/2018)?". Let's take this town!        


Vous étiez dans ma tête et dans mes jambes...
Le gars de Sèvres vous salue bien!