|
Marathon Expo J-2 |
Ce huitième marathon restera sans conteste le plus chaud. Les organisateurs nous avaient d'ailleurs prévenu en nous adressant des messages d'alerte " soyez prêts à réviser votre performance et chronomètre en fonction de ces nouvelles conditions". Un accent avait été mis sur la nécessaire hydratation et il était vivement conseillé d'adapter notre tenue de course à cette chaleur inhabituelle pour Londres. J'avais bien prévu le coup avec mon débardeur!
|
Hyde Park recreation |
|
We have a GO! |
|
A "Targa" moment avec Laurent & Ruben |
Arrivés vendredi soir à Londres, on a passé deux jours à scruter les bulletins météo. Certains annonçaient de la pluie dimanche matin, d'autres non...Matthew était nerveux à propos de sa contracture au mollet, Delphine se sentait peu entrainée et personnellement j'avais du mal à dormir...La chaleur de Londres allait sans doute redistribuer les cartes et gommer les écarts de niveaux.
|
Bus Transfert |
Dimanche matin 7H, c'est le branle bas de combat mais personne n'est tout à fait "opérationnel". Matthew cherche nerveusement sa ceinture de gels et gourdes qui est à sa taille...Delphine remonte chercher dans sa chambre d'hôtel des lunettes de soleil qui trônent sur sa tête...Le transfert direct en bus va durer une petite heure. Dans les rues de Londres le soleil est déjà le roi. Tout est trop calme. Les rares piétons que l'on croise sont souvent des marathoniens qui se dirigent par leurs propres moyens aux zones de départs. Comment créer une diversion pour que Matthew oublie son mollet douloureux? Delphine trouve les bons mots. Je ne parviens plus à remplir ce rôle. "Coach" est lui même face à des doutes nouveaux. La chaleur excessive et mon manque de sommeil sonnent comme des avertissements auxquels je n'ai pas de parades. Ça doit passer, oui bien sûr, mais pour quel résultat et dans quelles conditions?
|
H-2! |
|
H-15' |
Dimanche 8H. Sommes arrivés dans la zone de départ Bleu. Il fait déjà assez chaud et l'ombre d'une immense "tente d'attente" est la bienvenue. Matthew s’aperçoit qu'il a oublié l'ultime morceau de son "gataosport" ainsi que sa boisson d'attente. On se fait donner un peu de crème solaire qu'on étale généreusement. Quelques traditionnels étirements et on décide de quitter la tente. Le départ est dans environ 15 minutes et les Sas sont déjà bien remplis. Derniers mots d'encouragement pour Delphine qui rejoint la vague 3. Matthew et moi attendons devant l'entrée de la vague 2. Le soleil tape et le léger vent est bienvenu. Un écran géant nous montre la Reine prête à donner le départ. Cinq mois que j'attends ce moment. Cinq mois à imaginer ce fameux départ, l’environnement, les coureurs...j'essaie de revivre les moments clés de ma prépa. Je me dis que j'ai beaucoup de chance d'être là. Je me sens bien, en tout cas beaucoup mieux que Matthew que j'essaie de rassurer. "On fait 300/400 mètres ensemble sans forcer, ok?". "Pan" le départ et c'est parti pour nos deux paires de jambes. Partis sur un bon rythme, je quitte Matthew plutôt confiant. J'aimerai, d'un coup de baguette magique, le faire arriver en 3H29 (son rêve) mais je ne suis pas Harry Potter...A défaut, je vais pas mal penser à lui sur le parcours en espérant toujours la même chose : que ça tienne!
J'enchaine les kilomètres et je suis surpris par le niveau un peu trop faible de la vague 2. Je suis obligé de prendre les bordures et de doubler sans cesse ce qui ne m'était pas arrivé depuis longtemps. Forcément cela pompe un peu plus d'énergie mais j'ai visiblement un bon stock. J'ai collé sur ma gourde tous les temps intermédiaires (tous les 5 kms) pour atteindre l'objectif initial des 3H15 mais je sais par expérience que doubler comme je le fais depuis une heure sous cette chaleur m'éloignera tôt ou tard de cet objectif. Des bouteilles d'eau sont distribuées à chaque mile et pas question d'en rater une seule! Ce que je ne bois pas finit sur ma tête ou ma nuque. L'ambiance est vraiment au rendez-vous. Les anglais t'encouragent avec beaucoup de conviction et ça donne parfois des ailes. Je passe au pied du Cutty Sark sans le voir...car je suis déjà dans une sorte de bulle. Pour me sortir de cet état je décide d'aller taper dans les mains tendus de quelques enfants. Tower Bridge...j'attendais ce moment et je suis servi. C'est magique, l'ambiance est dingue. Je savoure en regardant les pilonnes et superstructures du pont. Il est rien que pour nous ce matin.
Km 21, un autre spectacle s'offre à moi, celui de la tête de course. Comme espéré, la marathon de Londres est le seul au monde ou l'on peut croiser les premiers coureurs (ce jour là deux kényans et un anglais) à la faveur d'un parcours qui se fait face sur 4 kms environ. Je ne sais plus ce que je leur ai hurlé mais ça m'a fait du bien. Je cherche maintenant à retrouver Nathalie et les enfants sur le parcours. Cela me ferait du bien de les voir car les conditions empirent avec cette chaleur. Leurs visages seraient un vrai réconfort et me donneraient un coup de Boost. Kilomètre 29 les voilà! Quelques paroles et bisous échangés, c'est reparti! Ne pas les voir m'aurait vraiment mis un coup au moral.
Au kilomètre 30, je constate sans surprise que je ne suis plus du tout aligné avec l'objectif des 3:15. Je me demande d'ailleurs à ce moment là si je vais finir en moins de 3:20. On est tous dans le dur et les allures commencent franchement à ralentir pour certains. Je double de plus en plus de coureurs
en détresse et parfois, plus grave, j'en vois allongés au sol avec des équipes de secours à leur côtés (j'apprendrai le lendemain qu'il y a eu 100 hospitalisations et un décès sur le parcours). De mon côté ça tient mais ces 12 derniers kilomètres vont être très longs! J'espère juste que Matthew et Delphine s'en sortent bien et qu'ils ne souffrent pas trop. Je ne sors même pas mon MP3 sur lequel j'avais prévu une setlist "spécial London" par manque d'envie. De toutes façons, la foule crie tellement fort, que je n'entendrai pas grand chose...
Parfois je double un coureur déguisé et ne manque pas de lui témoigner mon admiration. Comme si il ne faisait pas assez chaud comme ça! Quelle volonté, admirable en tous points de vue! Quelques déguisements aperçus: deux Darth Vader, une tour de Londres, un Christ portant une vraie croix (le grand MALADE!!!), un Teddy Bear sous 45°C (fou complet!!), des mariés, deux mecs dans le même bateau, P'tit Biscuit de Sherk...
35 kilomètres atteints, bien! Allez encore 7! Je ne pense à rien si ce n'est d'avaler ces 7 derniers kms. Il est près de 13 heures et pour ne rien arranger on court face au soleil.
Au 39ème kilomètre une crampe me foudroie littéralement la cuisse gauche! Je ne m'attendais pas du tout à ça. Je suis paniqué à l'idée de ne pas finir ce marathon. J'entends quelqu'un me hurler "Silian you can do it!". J'ai envie de le croire mais ma cuisse reste dur et totalement rigide. Je bois le peu d'eau que j'ai encore sur moi. Je m'arrête et essaie d'étirer doucement le muscle. Je marche très doucement sur trente bons mètres en tentant de détendre la cuisse. Ça résiste un peu mais je poursuis. Je trottine sans forcer. Ça semble passer...Je pousse un "Ouf" de soulagement mais je ne fais pas le malin. Il me reste 3 bornes à courir et pas question d'arrêter.
Les trois derniers kilos sont purement mental. C'est le moment que je préfère. Tout se joue dans la tête et le corps est quasi ignoré. Il devient une valeur presque négligeable. Pourtant il a tout fait jusqu'ici! Des images me viennent, des émotions parcourent mon corps et le rendent électrique. Il serait très contradictoire de dire que j'aimerai que ce moment se prolonge et pourtant...
Dernier mile, ça hurle de partout! Je remercie les londoniens pour leur soutien de première classe. Buckingham à gauche, coup d’œil au balcon de la Reine (on ne sait jamais...) et maintenant cette petite ligne droite ou je me sens tout seul. "Regarde Jef, regarde ce que je fais encore aujourd'hui. Elle est pour nous celle-là!". 3:18 dans ces conditions, je savoure! L'entrainement a payé et me voilà encore une fois avec un temps qualificatif pour le "
Boston marathon", le saint Graal absolu!
Et les autres alors?
Delphine en a fini en 4H14 auquel il convient de soustraire environ 15 minutes pour obtenir son temps à "météo normale", soit un tout petit peu moins que 4H...chez Delphine l'expérience et la maitrise sont deux vraies forces (à 50 ans révolus svp...).
Matthew a fini je vous rassure! Il aura vécu deux marathons. Un premier semi dans une allure capable de lui faire espérer 3:30 et un second semi dans lequel il s'est improvisé "coach et ange gardien" pour permettre à un anglais (qui courait pour la même cause caritative que lui) d'atteindre ensemble la ligne d'arrivée après 3H49 de durs efforts. Élégance toute britannique!
|
On vient, on court et on s'en va! |
|
Cheers mate! |
L'histoire d'un marathon ne s'écrit jamais à l'avance. Quelque soit sa préparation, son envie, sa détermination, son équipement, il y a toujours des imprévus ou circonstances qui rendent cette épreuve magique et surtout unique. Mais aux termes de ces 42 kms, nous avons "pris" Londres, comme d'autres villes avant...Boston, prépare toi à tomber!