|
Ça aurait peu être la photo du WE! Kilian et Silian! |
Week-end de rêve à
Chamonix Mont Blanc. Comment résumer toutes ces émotions et ces images que j'ai encore en tête? La tache me semble d'un coup presque aussi ardue que de recourir le fameux marathon qui soit dit en passant ne fait pas 42 mais plutôt 44 bornes... Allez je me lance je suis sûr que je vais arriver à vous faire partager ces doux instants de folie et d'efforts. Alors vous êtes prêts pour vous mettre un peu dans ma peau?
Samedi matin
Orly Ouest, mon seul stress réside dans mon bagage cabine bourré de gels et de poudre énergétiques. La pochette en plastique de 20 par 20 est archi pleine mais la sécurité est clémente au vu de mon matériel de course. On me laisse tranquille. La fille chargée de scruter le contenu des bagages au rayon me dit "votre grosse boite c'est du thé?" "Non c'est du Gatosport". Je m'entends lui répéter 3 fois "Gatosport". Je crois bien que c'est la première fois qu'elle en entend parler.
|
Mont Blanc inspiration! |
Samedi 12H, j'ai quitté l'aéroport de
Genève depuis une demi heure. Cela me fait bizarre de me trouver dans un taxi collectif dans les alpes et me dire que je ne vais pas aller skier. Ou sont mes amis espagnols et autres parisiens avec qui nous serions déjà en route pour Avoriaz? Mais non...nous roulons sur l'autoroute blanche. Chamonix 45 bornes. Tiens...c'est presque la distance à parcourir dimanche. Le mini bus est rempli de touristes venus faire des courses en montagne, des anglais qui retournent dans leur villégiature et moi qui lit un bouquin de Sylvain Tesson dans lequel il raconte sa longue traversée à pied, à cheval ou en vélo de Sibérie aux Indes sur les traces des évadés du Goulag. Mon trail me semble bien modeste à côté de cette aventure hors normes...
|
Suivez le Guide! |
Samedi 13H30, je suis dans la queue pour le retrait des dossards et la vérification des sacs. C'est assez long car les organisateurs vérifient scrupuleusement le contenu obligatoire : veste de pluie, couverture survie, téléphone chargé, réserve d'eau 1.5l, gobelet, sifflet...puis te font signer une décharge comme quoi tu reconnais être conscient de l’environnement dans lequel tu t'engages. Dans la file d'attente j'ai tout le loisir d'observer ceux qui prendront comme moi le départ dimanche matin. Tous sont super affutés et ne parlent que de trail. Age moyen de tous ces guerriers des chemins de montagne? 35 je dirai. Pour eux faire du Trail semble aussi facile que de respirer. "Alors cette maxi race?" "Ouais facile, tu fais la 6000D en aout?" Ils en étalent, ils font les beaux, ils sont très sûrs d'eux. Ces mecs (assez peu de filles faut dire...) ne semblent pas connaitre le doute ou l'échec. Ils entretiennent leur petite comptabilité de kms et dénivelés courus dans l'année. Si chaque kilomètre était rémunéré, certains de ces mecs là seraient riches, très riches! Fort heureusement, ils font ça par plaisir, par envie de monter ou descendre des montagnes et pouvoir se dire en rentrant : Je suis passé par là. Ils affichent des sourires insolents genre "même pas peur". Bon, très bien, on verra ça dimanche les gars.
|
Touriste à plan de l'Aiguille H- 14 |
Samedi 15H30, je m'offre une visite de
l'Aiguille Rouge et une petite séance d'oxygénation par la même occasion. Le décor est sublime! A couper le souffle. Le Mont Blanc me fait un clin d’œil. je pourrai presque le toucher. Il y a 34 ans, j'étais sur ton toit avec mon père, j'avais 13 ans. Ce moment, je m'en souviens encore. Cette émotion je la ressens encore. Si j'écoute mon corps, j'ai la satisfaction de sentir que tout est encore là, comme avant. Ces 34 années n'ont rien altéré, au contraire.
Je quitte le site en ressentant de la sérénité une vraie plénitude, bref, je suis bien!
|
Le Podium est en place |
|
Assez content de la cuisson du gatosport. A table! |
Samedi 20H, je récupère le "Gatosport" que l'équipe de l'hôtel m'a gentiment cuit. Il est comme je les aime. Doux comme un fondant au chocolat. Je pars en ville en quête d'un bon plat de pâtes et reviens dans ma chambre pour 21H30. En mangeant une partie de mon Gatosport, je fais ma check-list pour demain: dossard épinglé, boisson prêtes à être mélangées, gels sélectionnés, MP3 et Gopro chargées, Nok sur ma table de nuit pour badigeonner mes pieds, bandana sorti, sac coureur d’après course prêt et enfin montre GPS chargée à 100%. Veille de course, forcément l'excitation joue un peu les trouble fête. Seul dans ma chambre je me refais la rétro des trois mois de prépa. Je me sens serein. A part une chute, je ne crains rien. J'avale un petit cachet histoire de favoriser ma rencontre avec Morphée ou sa remplaçante. Personne de vient me chercher...j'attends et finalement le marchand de sable passe vers 11H30.
|
Départ dans 20'! |
Dimanche 05H30 (enfin 5H25) "Bonjour c'est votre réveil". Le réceptionniste a 5 minutes d'avance mais je ne lui en veux pas. Il a du boulot ce matin car l'hôtel est rempli à 50% par des coureurs. Certains ont décidé de prendre leur petit déjeuner dès 5H15 alors qu'on est à 300 mètres de la zone de départ...Ça sert à quoi d’être sur la ligne trop tôt? A gamberger! J'ai opté pour un horaire "sans gamberge". Petit déjeuner à 05H45 avec le reste de mon fameux Gatosport, brossage de dents, alimentation de ma poche d'hydratation, crèmes anti frottement sur toutes les zones concernées..., remplissage de ma deuxième gourde chargée en anti oxydants, pose du bandana, 2 gouttes de parfum pour masquer l'odeur de la crème et voilà je suis dans les rues de Cham. Bonjour "Mont Blanc" comment vas tu ce matin? Quel temps va t-il faire? Le ciel est un peu chargé mais les organisateurs promettent une belle éclaircie. 6H40, je suis au départ et les visages de mes amis trailers affichent nettement moins d'insolence comme si la nuit leur avait enlevé un peu de leur assurance. Certains ou certaines adressent des bisous à des proches venus les voir partir et leur font des grands signes de la main. Pouce levé, ça va aller, tu vas y arriver, t'inquiète, t'es le meilleur...bref grande séance collective d'auto persuasion qui au fond ne dupe personne. La vérité du terrain va en faire souffrir certains plus que d'autres et pour environ 8% ce sera l'abandon. Cette stat je n'y songe même pas. Moi j'ai un Trail magnifique à honorer et un avion dans la foulée. "Coureurs départ dans 2 minutes". Les coureurs "Elite" sont en place à quelques dizaines de mètres de moi. De là ou je suis je n'aperçois pas Kilian, dommage, mais je sais qu'il est là, devant moi, tout près et ça me motive. Tu vas voir Kilian ! je ne suis pas né dans les Pyrénées, je n'ai pas vécu en montagne mais je sais courir et je vais te le montrer! Parole de Silian. Le départ est donné, on progresse lentement dans les rues de Cham. Le coach m'a bien prévenu " tu restes le plus frais possible pendant 3/4 heures, à la sensation, pas de surchauffe...". Promis Coach, pas d'allure inconsidérée, je lui fais une confiance aveugle car le gaillard sait de quoi il parle!
Une heure plus tard j'arrive à
Argentière et en passant la cellule de chronométrage je pense à tous mes proches qui me suivent sur le "tracking Live". Ils viennent de recevoir ma première progression. Il en sera de même à chaque futur passage de cellule (6 en comptant celle de l'arrivée). A chaque franchissement je leur envoie un message: Hé je suis là, je suis toujours en course, toujours vivant! Je leur dois bien ça après l'avalanche de messages de soutien que j'ai reçu. Touchant, vraiment!
Qu'est ce qu'ils font comme bruit ces gars avec leur bâtons! En plus d’être difficiles à doubler, j'ai toujours peur d'en voir un me planter son bâton dans le pied. Du coup j'annonce de quel côté de dépasse pour éviter leur banderille. "Sur ta gauche, merci!". Et puis c'est marrant mais on les entend beaucoup moins parler de lors exploits à la "Maxi Race", à la "SaintéLyon", à la "CCC", non beaucoup plus introvertis je vous dis...à part leurs bâtons qui font "cling cling". J'entends certains se plaindre de leur cardio ou d'autres souffler assez fort alors que nous sommes qu'au douzième kilomètre...bon courage parce que là c'était juste un apéro! Dans la descente vers
Vallorcine je prends une grosse pluie qui n'a strictement aucun effet sur moi, bien au contraire. Aujourd'hui je sens que c'est mon jour alors c'est pas un peu d'eau qui va m’empêcher d'avancer, alors j'ouvre grande ma gueule histoire de m'hydrater naturellement. La pluie cesse, elle abandonne! C'est alors mon mollet gauche qui m'inquiète. Ce ne serait pas un petit début de crampes là? A cette distance avec cette intensité? Pas possible, disparais, on me la fait pas! La douleur elle aussi capitule et s'en va sur la pointe des pieds...
Chaque ravito est un vrai réconfort. Je n'hésite pas à reposer mon corps environ 5 minutes que je consacre à m'hydrater en eau claire (sans produit isotonique) et à m'alimenter en produits frais (figues, raisins) ou barres céréales. Je lorgne un peu sur le fromage mais Coach me l'a défendu...
Au redémarrage je me sens fort, ma foulée est bonne mais je dois vite me raviser pour ne pas me cramer et respecter le contrat fixé par Coach Rodolphe: 3/4 heures en sensations, après on voit...
2 heures de course, arrive la fameuse montée du col des Posettes. J'ai calculé qu'elle devrait me prendre 1H30. Le début ressemble à un vrai mur et peut faire peur quand on sait qu'il y a 6 kilomètres de montée! Je la gère mentalement. Tu crois me faire peur avec ton dénivelé à faire pâlir un parisien mal acclimaté aux montagnes? Tu vas sentir mes pas ma grande! Je la piétine pendant 1H30! La fin de la montée au col est fraiche, on dépasse pas les 10°C. En pleine brume, le soleil lutte et nous envoie quelques rares rayons. Je les accueille bien volontiers car contrairement à beaucoup de coureurs je n'ai pas sorti de veste et mes mains commencent à se refroidir malgré l'effort...Commence ensuite la grande descente jusqu'au "Tour". Là il faut être lucide et bien voir ou on met ses pieds. Doubler dans la descente est très compliqué pour ne pas dire risqué. Très peu le font. Je me contente de suivre le rythme assez cadencé et me dis que je suis presque au bout du contrat des "4 heures de fraicheur" de Coach Rodolphe.
|
Le tatoo du parcours et mes "3 amours" accrochés à mon poignet |
4H "
Le Tour", te voilà! Mais c'est vrai que ça répond plutôt pas mal aujourd'hui. Il me reste 2 belles bosses ainsi qu'une longue montée à
Plan Praz mais l'objectif des 7H est à portée de pieds. 20 minutes plus tard je suis à "
Tré le Champ". Je regarde régulièrement mon "tatoo" qui affiche le profil complet de la course. Pas compliqué de comprendre qu'il ne me reste plus que 12 petites bornes. Sur plat j'aurai mis une heure mais ici en montagne il faut multiplier par deux mini. Au ravito, je dégaine mon MP3 car je n'ai plus envie d'entendre ces bâtons taper au sol. Et puis d'abord, est-ce que Kilian court avec des bâtons lui ? Eh bah Non! Ça fait un peu "artif"vos deux sticks en titane ou autre alliage léger. Et Boum un mec en bâtons qui se vautre. Sans tes deux tiges, t'aurais probablement tenu...dommage mec. Avant la remontée sur "
Flégère" il y a une descente très technique avec de grosses racines bien humides, des pierres instables et des déclinaisons terribles. J'essaie, un instant, d'imaginer Kilian dans ce profil. Il a fait comment là?
5H de course, c'est la première fois que je vois s'afficher le chiffre "5" en heures sur ma montre! Je ne vais pas pour autant organiser de petite célébration parce que sinon j'ai pas fini. Je suis sûr de bientôt voir le "6" et peut-être le "7". Que de premières en une journée! La montée à "
Flégère" me coûte mais je double quelques "bâtons". Dans ma tête, "
Flégère" c'est 5 kms de l'arrivée soit grosso modo une heure. Les 400 derniers mètres avant
Flégère sont totalement dégagés et empruntent une pente bien râpée qui raccorde à un télésiège l'hiver. J'ai alors la vision d'un long serpentin humain luttant pour atteindre le ravito toujours trop loin...chaque pas compte. Allez! Après
Flégère c'est gagné. Intérieurement, sans que j'ai besoin de le réclamer ma tête est en train de prendre le commandement. Observatrice et peu active, ma tête sait qu'elle doit entrer en scène et m'aider à finir le boulot. A ce jeu là elle est très forte ma tête, je vous assure. Et cette bascule de commandement se fait naturellement. "Ici la tête, je prends la manœuvre!".
Ah 6H15 déjà... Youpi je fête un nouveau chiffre inédit. Depuis "
Flégère" je reconnais très bien le parcours final qui est commun à celui du Cross. Je repasse devant les endroits ou j'avais terriblement souffert de crampes en 2011(voir CR sur ce blog/ juin 2011). La différence de fraicheur et mon mental de l'instant me font littéralement jubiler. Du coup l'émotion me parcoure tout le corps, j'ai la joue un peu mouillée... "Oh la tête! C'était prévu ça? On n'avait pas dit qu'on gardait des larmes pour la fin?"La tête a trop de boulot pour me répondre, alors j'avance. 06H30, bon c'est pas bientôt fini, là? Enfin j'aperçois la zone arrivée sauf que pour y arriver il me faut faire encore deux bons kilomètres et que ma montre affiche déjà 42 kms! Qui ment? (Foi de coureurs, le tracé fait plus que 42, tout le monde me l'a confirmé!). Ma montre d'ailleurs n'a plus la pêche. Elle affiche "batterie faible" depuis une bonne heure et j'ai peur qu'elle n'arrive pas au bout. J'ai mes trois amours au bout de mon poignet gauche (bracelet blanc et vert d'Anna, le bleu de Ruben et le rose de Minou) et leurs bons fluides émotionnelles qui vont avec. C'est beaucoup mieux que vos bâtons les gars! "Attention PNC dernier virage" et amorce d'une petite descente. Le chapiteau d'arrivée est là, à moins de 300 mètres. Il y a plus qu'à se laisser porter. Je fais mes nouveaux gestes de "célébration" que j'ai inventé durant cette prépa: je remercie d'abord mes pieds et mes chaussures, ensuite mes jambes, puis mes bras, mon cœur et enfin ma tête! Je franchis la ligne les bras écartés rageusement. "Oh Les larmes!! Bordel les larmes!! vous dormez? On avait dit les larmes à l'arrivée!" Et bien non...ma tête n'a pas jugé bon d'envoyer les larmes... Elle a de façon très élégante quitté le dispositif me rendant un état des lieux propre et clair. "Marathon terminé, mission accomplie, fin du dispositif, retour à la base. Bravo Kilian, pardon Silian!". 6H55 d'efforts dans les traces de Kilian (arrivé lui en 3H45!), 641ème au classement général (sur plus de 2000 participants) et 175ème en catégorie Vétérans 1 Hommes.
|
Je ne veux pas voir un bâton sur cette photo merci! |
J'ai donc pris la suite. Vérification du sac à l'arrivée (les commissaires de course ne rigolent pas!), récupération du plus beau métal (la belle médaille du 42!) et enfin celle que beaucoup attendaient : La bière de Chamonix versée abondamment dans mon grand gobelet en plastique. La première gorgée de cette bière fraiche face au Mont Blanc brillant sous le soleil m'enlève toute douleur. Je vis ce moment unique et magique bien à moi avant d’appeler Minou (que j'arrive pour une fois à joindre...miracle...tout marche parfaitement aujourd'hui 😄 ). La suite, vous la connaissez surement (voir sur ce blog ma "vraie/fausse interview") après la bière, une glace et enfin une douche!
|
La glace! (cassis /citron) |
Quitter Chamonix n'a pas été facile. Les rues évoquent ici des héros que la montagne a façonné et parfois endormi à jamais, des noms d'alpinistes qui te font vite retrouver humilité et respect. Ah, c'était tellement bien! Il ne manquait que la petite photo avec Kilian...une autre fois sûrement.
Lundi matin, même pas mal! Mes jambes sont loin d’être douloureuses. C'est comme si je n'avais rien fait hier, enfin presque. Incroyable! Coach Rodolphe m'a fait un super plan qui m'a permis d'avaler un trail de 42 bornes sans avoir mal. Dingue...J'ai encore clairement la tête à Chamonix mais la vie reprend son cours normal. Cette expérience sera une ligne de plus à inscrire à mon palmarès (le titre de ce blog a d'ailleurs été modifié pour les plus fins observateurs...). Ce trail me rapporte "3 pts" qualificatifs. Pas le genre de points pour m'offrir un café dans une station service, non, des points pour m'inscrire à d'autres courses plus longues, qui finissent plus haut et qui font forcément un peu plus mal...le genre de courses dont sont adeptes mes "copains à bâtons". Par exemple le fameux "UTMB" requiert 15 pts en 3 courses et ce dans la même année...
Je vais ranger tous ces beaux souvenirs et les garder au fond de moi. Je vais accorder quelques vacances à mon corps et le distraire un peu avant ma future prépa (New York Marathon). Je profite de ces dernières lignes pour remercier Coach Rodolphe dont l'efficacité du plan m'a permis de concrétiser un rêve. Enfin la dernière image est celle de cette petite fille dont j'entends encore la voix à "Tré le Champ". Je n'arriverai jamais à dire "merci" à celle qui m'a véritablement touché avec son "courage les coureurs!". Et bien oui petite fille, tes encouragements m'ont fait du bien et m'ont porté et vois ce que j'ai accompli un peu grâce à toi!