jeudi 13 octobre 2016

UTAT, l'épilogue





L'UTAT me laissera une impression fantastique. On y a, en si peu de temps, vécu des choses vraiment non ordinaires et quitter ce bout de montage lundi matin à 6H30 (en pleine nuit) n'a pas été facile. Le matin même je me brossais les dents à côté du mec qui venait de gagner le "105", un moment un peu rare et magique. Délicieuse fut aussi ma rencontre avec Eduard JORNET et tant d'autres. Ca caractérise bien ce qu'est l'UTAT, une grande réunion de coureurs passionnés, expérimentés (pour la plupart) mais qui restent simples et très ouverts. J'ai une petite boule au ventre en quittant mes amis et ce lieu magique et j'appréhende un peu le retour en France. Vivre l'UTAT c'est accepter de revenir un peu différent de celui qu'on était "avant". C'est une parenthèse de vie et de sport (ah oui quand même...) sans équivalent (à ma connaissance) qui "débranche" n'importe quel citadin connecté...Ces lieux ne me quitteront jamais et chaque année début octobre, mon esprit sera à coup sûr tourné vers ces montagnes avant que mes jambes ne décident d'y revenir - un jour.




4 legs to go!

 






and 4 faces!



C'est qui qu'a gagné l'UTAT 2016??
 


Avec "papa"

lundi 10 octobre 2016

Vaincre l'UTAT

Welcome in UTAT, land of Ultra Trail!
Samedi 1er octobre, on se réveille dans un CAF aux trois quart vide...Nos amis sont tous partis et nous laissent le village à peu près dans l'état ou il devrait être avant notre arrivée. Les petits revendeurs marocains tentent de nous vendre des pierres type améthyste, quartz ou des bijoux berbères. Ce qu'ils veulent souvent c'est troquer car ils manquent de bonnes chaussures, de polaires, bref des choses assez basiques mais indispensables en montagne. Nous reprenons délicieusement notre routine de coureurs en mal de "reco" et nous partons cette fois-ci repérer le col proche de l'arrivée. Symboliquement l'organisation y a planté deux mats en haut desquels flottent majestueusement deux beaux drapeaux marocains. La délivrance aura donc lieu au passage de ces drapeaux car une fois passés il n'y aura plus qu'à se laisser descendre sur moins de 500 mètres jusqu'à l'arrivée officielle qu'on distingue parfaitement depuis ce point. On observe aussi très bien la longue montée qu'il nous faudra faire jusqu'à ce col. Ca ne semble pas terrible comme ça mais après avoir couru/marché 23 bornes, je pense qu'on changera d'opinion...Il est près de 11H et on guette déjà les premiers arrivés au marathon partis à 6H. On décide de retourner sur le tracé de nos premiers kilomètres qui constituent à l'inverse l'arrivée du tracé marathon afin d'apercevoir les premiers arrivés et pourquoi pas Rodolphe qui visait un temps de 6? Sur environ une heure pleine on croise seulement 6 coureurs mais point de Rodolphe pour qui l'altitude a forcément du jouer.


Revenus en ville on a suffisamment faim pour notre tajine quotidien accompagné d'un délicieux thé à la menthe. Revenus au CAF, on en croise pas grand monde mis à part le plateau "élite" déjà connecté sur le wifi pour partager leurs performances sur les réseaux sociaux et rassurer leurs sponsors. C'est le calme avant la tempête et j'adore ça! Le PC course installé au CAF crépitent de conversations reçues via VHF. En montagne, chaque PC sécurité (environ une dizaine couvrant tous les itinéraires de course) rapporte des faits de course anodins ou plus critiques. Chaque point est médicalisé au cas ou. On peut s'y ravitailler voir y dormir une heure ou plus pour certains. Et déjà certains semblent dans le "dur". On dialyse ici, on empêche de repartir sur décision du Doc présent chaque PC, on fait l'inventaire des coureurs passés aux différents PC et ceux qui manquent encore et on s'interroge déjà sur la prise en compte des consignes formelles échangées lors du briefing. Visiblement les coureurs ne s'hydratent pas assez pensant encore une fois courir dans nos gentilles alpes. En début d'après-midi, les coureurs "non élite" commencent à arriver avec des sourires aux lèvres et des récits propres à chacun. "J'ai souffert de l'altitude" est le verbatim qui revient le plus souvent. Les plus chanceux se font directement masser au sortie d'une douche bien méritée. L'objectif pour eux est de reconditionner leurs corps pour demain matin en remettant le couvert sur 26 kms. Le Challenge (42+26) porte décidément bien son nom...L'après midi est mise à profit pour commencer à préparer enfin notre propre matériel. 3 jours qu'on est là, il est temps pour nous de courir. Notre chambrée est enfin quasi complète. Il ne nous manque que Manu (engagé sur le 105)  qu'on ne devrait pas revoir avant la fin de notre trail dimanche. L'organisation impose aux coureurs une liste de matériels obligatoires afin d'être autonome durant le trail. Chacun veille donc à respecter cette liste sans trop prendre de libertés car la sécurité du coureur passe avant tout. N'empêche que tout bien pesé, on se retrouve avec sacs pouvant aller jusqu'à 5 bons kilos surtout si on ajoute comme moi la GoPro ou autre matos non indispensables. Est-ce que tous ces grammes ne vont pas jouer un rôle défavorable? On peut légitimement se poser la question surtout à cette altitude.


Drôle de sensation quand même, car nous avons déjà vécu et vu tellement de choses sans avoir encore couru le moindre kilomètre! Rien que pour ça l'UTAT est un événement vraiment à part. On vit et on partage avant de courir ensemble, c'est une expérience riche que nous vivons pour la première fois. Veille de course, nous dinons de poulet (ça doit faire le 4eme repas à base de poulet...) et avons gardé le meilleur pour la fin: le GatoSport cuit avec amour par Edith et Olivier. Cuisson parfaite, je me jette dessus en pensant à ce qui nous attend demain. Dans ma tête je me dit que chaque bouchée équivaut à moins de souffrance et plus de kilomètres. Avant d'aller dormir on guette les premiers arrivés du "105". Les organisateurs nous ont prévenus d'un dénouement possible un peu avant 22H (soit 16H de course...). Et les voilà enfin! Spectacle grandiose, une arrivée en duo tels de véritables aimants que le sport a rassemblé, magique, unique, UTAT! Au bout d'eux mêmes, ces gars donnent une impression de fraicheur, c'est enivrant.


Les deux champions UTAT 2016 (105 kms)
deux Français, Cocorico!
La nuit est encore une fois en "pointillés", le sommeil n'est pas total en raison de l'altitude associée à notre excitation.

Dimanche 7H30, branlebas, tous les coureurs au poste de combat! Le CAF s'agite telle une ruche avec en son sein des abeilles remplissant leur juste besogne. On se douche, on s'habille, on vérifie son sac, on se tartine de crème, on ajuste son sac, on teste sa caméra, on vérifie son sac d'hydratation, on check aussi sa montre, bref on y est...




08H50 tous les coureurs se réunissent sous une tente avant le départ. On est moins de 80 coureurs sous une tente pouvant en réunir le triple. Les dernières consignes sont données lors d'un briefing plutôt rapide mais nécessaire. On immortalise le moment en prenant quelques clichés. Tout le monde est d'humeur joyeuse. On va manger du trail. 3 minutes to go! On sort tous de la tente sous un franc soleil. Départ donné par le sympathique speaker qui nous souhaite à tous une "bonne année"...suis pas sût d'avoir compris. J'ai l'esprit un peu ailleurs, je suis déjà dans ma bulle. Au top départ, on court enfin et pour la première fois lors d'un départ de course je suis traversé d'une émotion qui me fait presque monter des larmes. Je fait tellement corps avec cet environnement que j'en éprouve un plaisir inouï. Un élément vient vite me rappeler que j'évolue en altitude : la pression au niveau de ma carotide est forte, du jamais vu. Pourtant mon cardio fréquence indique de bonnes valeurs mais mon corps en signale d'autres et à ce jeu c'est mon corps qui a forcément raison. Ma montre ne me sert donc à rien sauf à me donner mon temps de course (dont j'ai que faire) et le kilométrage parcouru. J'essaie de coller aux jambes de Rodolphe qui me donne quelques conseils que j'applique. ne pas courir ici, ne pas aller plus vite, bien se servir des bras sur les cuisses dans les montées...bref je continue mon apprentissage. Je ne sais pas ou sont mes camarades de course mais suis persuadé qu'ils sont déjà loin derrière moi. J'attends le premier col (6kms de course / Altitude 3000 m) sans trop de mal. La descente (sur 10 kilomètres) qui se présente à moi me fascine et me fait un peu peur. Je vois Rodolphe rapidement s’éloigner car il mène un rythme qui me conduirait rapidement à l’accident. Je décide à l’instinct de m’inspirer de celui qui me précède d’environ 20 mètres. J’essaie de mettre mes pieds à peu près là il pose les siens, je fais très attention aux reliefs, aux roches, aux virages dans lequel ton poids peut t’emporter un peu, bref j’apprends en méthode accélérée. 5 bonnes minutes de ce training commencent à me donner un peu de confiance. J’ose plus,  j’engage mon corps avec moins retenue, bref je suis en train de me rapprocher à délice de mon lièvre que je suis sur le point désormais de dépasser. Ce coureur ne saura jamais toute l’importance qu’il a eu dans ma découverte du trail en descente. Je tente de regarder ponctuellement le paysage mais c’est prendre des risques à ce stade. J’exulte, j’adore cette façon de courir en montagne. Encore une fois je me dis que je suis né pour ça, Natural Born Trailer ! Un coureur se fait désormais sentir dans mon dos, il attend patiemment le bon moment pour me doubler. L’esprit trail veut que tu le laisses passer sans trop attendre, ce que je fais. Passe donc devant moi un grand type que j’observe un peu. Il ressemble bigrement à Olivier…mais c’est Olivier ! C’est le « Griffaton day » aujourd’hui car Olivier semble très à l’aise en descente et mène désormais la danse. Il n’a même pas calculé qu’il m’avait doublé. Je me signale et nous voilà partis pour une descente à deux qui durera un bon moment.



Au premier village berbère que nous traversons, la présence d’enfants nous fait du bien. Ils rient et s’amusent de nous voir passer en courant. On leur adresse quelques mots rapides, une petite tape de la main, bref deux mondes qui se croisent furtivement. D’autres s’arrêtent pour leur offrir des stylos (comme Luigi) et prendre des photos avec eux. Arrivés au kilomètre 10, la descente se fait désormais sur des pistes carrossables beaucoup plus douces pour nos genoux et surtout plus rapides pour moi. Je déroule, je double, je vole ! Dans ma tête je fais un premier bilan : 1ere montée, FAITE, grosse descente, FAITE, reste à peine 5 kms jusqu’au prochain ravitaillement puis la fameuse montée de 10 kms.


Arrivé au ravito marquant le début de la montée, je remplis ma poche d’hydratation et je cherche du salé. Plus de Bretzel comme au ravito précédent alors je me rabats sur des chips (moins digestes).Quand Olivier parvient au ravito, je décide de repartir. Il en sera ainsi jusqu’au bout ce qui lui donnera la motivation de s’accrocher. La montée commence (il est 11H15 à ma montre)  et à l’allure ou je marche, je sais qu’elle va être longue… 12 Mns au kilo…Ah ouais c’est lent dis-moi. Je balance au maximum les bras pour m’aider à trouver une sorte de balancier. Les muscles répondent parfaitement mais mon souffle est encore une fois contraint par l’altitude. Je suis incapable de relancer même en trottinant. Dans la montagne je distingue 7/8 coureurs devant et 4/5 en dessous (dont Olivier). Les écarts après une heure n’ont que très peu évoluer. Tout le monde est à fond en marchant à moins de 5km/h ! En revanche ce rythme nous offre l’occasion d’admirer pour de bon les montagnes qui nous entourent à commencer par le Toubkal, majestueux.


Un faux plat signale l’arrivée proche à l’ultime PC avant l’arrivée. Le décor fait de terre rouge et de petits conifères soufflés par le vent est sublime. Je me relance et coure légèrement quand les premières crampes se manifestent, merde pas maintenant ! Je me remets à marcher et essaie d’étire au maximum à chaque pas, ça passe, ouf. Au dernier ravito on m’offre du thé à la menthe (sois bénie !). Moment apaisé ou mon corps est encore alerte mais plus du tout à 100%. Le doc me questionne, m’évalue, me conseille de profiter de la prochaine rivière pour mouiller mon chèche et me rafraichir, je l’écoute religieusement. Olivier arrive, je l’encourage ce qui revient à m’auto encourager, je repars. Une heure a été nécessaire pour faire 5 kms, il en reste environ 5. Ce seront les plus difficiles. Le relief est encore plus abrupt mais parsemé d’arbres qui offrent une ombre bienvenue. Tous les 800 mètres, je m’offre une pause d’une demi-minute et en profite pour crier mes encouragements à Olivier (environ 50 mètres plus bas). J’ai envie d’en finir, je suis dans le dur. Je marche à 2.5km/h et j’ai l’impression de ne pas pouvoir aller plus vite. Le « mur » du Trail…

Red Planet



Enfin j’aperçois les deux mats et drapeaux marocains en haut du col mais ils sont encore à bonne distance (1 bon kilo d’après ma montre). Et mes crampes reviennent même en marchant. Fatalisme ? Je repense au Cross du Mont-Blanc (voir Blog juin 2010) et je ne suis pas serein. Vais-je cette fois me montrer à la hauteur de la montagne que je m’apprête à gravir ou vais-je finir telle une grande saucisse incapable de se mouvoir et remerciant chaque mètre parcouru. Je m’étais fait à l’idée de finir proprement et dignement ce trail et pas d’être en trop grande souffrance. Je bois, je respire, je ferme les yeux, je fais le point et quand je les ouvre c’est comme un nouveau départ. Tout est géré, payé, je peux continuer. En m’approchant du dernier col je croise une finisher du « 105 ». Mes douleurs disparaissent totalement quand je lui adresse mes félicitations avec un peu d’émotion dans la voix. Je me rends compte que je n’ai parlé à personne depuis environ une heure. Elle me sourit mais elle semble vraiment à bout. Je la « lâche » à environ 4 km/h. J’avance totalement magnétisé par la vue des deux drapeaux qui grossissent à chaque pas. Mon corps est totalement secoué par l’émotion de l’arrivée prochaine. Mon menton tremble mais les larmes ne viennent pas. Mes yeux sont humides. Je suis Trailer, ça y est ! C’est là qu’a lieu mon baptême, c’est ici que je suis né Trailer, c’est sur ces quelques mètres que mon émotion atteint une force irrésistible qui fait chavirer mon corps de bonheur, quelque chose que je n’ai jamais ressenti avant…         

Les deux drapeaux marocains sont enfin là. C’est la délivrance ! Entre ces deux mâts, Oukaïmeden s’offre de nouveau à moi. Ne reste plus qu’à lancer son corps sur ce qui ressemble à moins de 600 mètres de descente douce. Si je veux, je suis en bas dans 4 mns mais je ne veux pas descendre tout de suite. Je jette un dernier regard à cette longue montée qui m’a tant couté. Efforts intenses d’un nouveau genre avec toujours cette altitude qui ne me lâche pas. La tête tournée vers la vallée et l’arrivée qui m’attend, je m’approche tour à tour des deux mâts sur lesquels je dépose un baiser, celui de ma reconnaissance éternelle.
Oukaïmeden again! Arrivée en vue!
Je m’élance une dernière fois et parcours tout en douceur ces derniers mètres que je savoure.  Rodolphe me félicite à l’arrivée. Je franchis la ligne (4H17 d’efforts). C’est terminé ! Olivier arrive comme attendu quelques petites minutes plus tard en prenant la peine (Respect !) d’attendre son co-équipier de fortune  qui l’a aidé à finir. C’est ça l’esprit Trail !
Remis et assis au soleil en croquant dans un sandwich bien reconstituant on se dit que les filles vont souffrir, qu’elles vont devoir aller chercher au fond d’elles-mêmes pour passer l’UTAT, pour vaincre ces montagnes. Je n’ai pas fini mon sandwich quand Olivier croit voir passer Edith…Je sais qu’il est fatigué et je ne veux pas lui donner de faux espoirs. Pour moi il est carrément impossible qu’une fille comme Edith (avec tout le respect que j’ai pour la runneuse que je commence à connaitre) puisse finir en moins de 4H40. Et pourtant c’est bien elle ! Les « Griffaton » sont des Trailers nés ! Revenus au CAF et douché, j’ai la chance de me faire masser et continue de penser à notre Delphine qui doit encore batailler ferme pour finir son premier trail. On a décidé de remonter au col pour l’accueillir. Du moins c’est le projet car qui déboule en salle de massage presque aussi fraiche qu’une rose ? Delphine ! Décidemment les féminines nous bluffent. Edith finit pour la première fois de sa vie au pied d’un podium ! 4eme féminine de l’épreuve à moins de 2 mns de la 3ème. Delphine boucle en moins de 5H20 accompagnée de Stéphanie et de Bertrand (un couple de trailers venu du Grand Bornand ou l'on tutoie les montagnes). Du « lourd » avec le plaisir et c’est précisément comme ça qu’on aime que les choses se passent. La fin d’après-midi est terriblement joyeuse (« Violently happy » comme dirait Bjork). On se sent léger, pas si fatigué que ça. On a vaincu « notre » Utat. Le Champagne va remplir nos gobelets de course ressortis exprès pour célébrer notre intronisation dans notre « nouvelle famille ». Dans nos têtes on sait qu’on a désormais une nouvelle particularité, un ADN invisible pour le quidam mais bien en nous : On est TRAILERS ! 

A SUIVRE : UTAT L'épilogue...


Les 4 nouveaux membres de la "grande famille" du Trail

Ivre de champagne ou d'altitude...? les deux!

"Notre" Podium féminin. Stéphanie, Edith et Delphine (de droite à gauche)
  


         

mercredi 5 octobre 2016

UTAT, ou l'histoire du "Runner" qui voulait devenir "Trailer"

Meudon, lundi 3 octobre. Suis de retour à la maison après une parenthèse de 4 jours uniques et inoubliables passés dans l'Atlas marocain. Je ne suis pas sûr d'être capable de vous faire ressentir ce que nous avons vécu là-bas. Je me demande, encore un peu sonné, ou sont passés tous ces nouveaux amis fabuleux qu'il m'a été donné de rencontrer là haut? Une partie de moi plane encore dans la vallée d'Ikis au pied du Toubkal (4100 m) qui a fait de moi un "Trailer". "Allo maman, je suis Trailer!" Non...elle ne va rien comprendre. Mes amis Delphine, Edith et Olivier eux savent. Il me faut trouver une petite baguette magique pour écrire posément et avec force ce que mon excitation dérange. Trop de choses à dire, à restituer, à essayer de faire imaginer. Je suis littéralement pris au piège entre mes émotions encore vives et ce retour en plaine. "Allo mon cœur, alors c'était comment?" "Unique, inoubliable, peux pas te décrire..." Bon va falloir justement le décrire ce grand week-end UTAT. J'en fais une priorité absolue! Je le dois à ma "nouvelle famille" et à tous ceux et celles qui se reconnaitront, ne serait-ce qu'un peu, dans ce récit. Alors je ferme les yeux, je rembobine mentalement et me voilà à Orly Sud. Vous êtes prêts à me lire et à me suivre dans l'Atlas? Alors voici l'histoire du "Runner" qui voulait devenir "Trailer"...
Looking fit, moins de 80kgs.

Aéroport de Marrakech, jeudi 29 septembre, environ 17H (local time). Je descends de l'appareil et foule à pied le tarmac encore chaud en cette magnifique journée. Je ferme les yeux et je ressens un léger vent chaud qui me caresse le visage. Bienvenu au Maroc, quel accueil. Dans les lignes formées par les touristes pour les formalités de douane, je retrouve Delphine, Edith et Olivier arrivés peu de temps avant moi (vol direct depuis Marseille). Timing parfait et grands sourires pour nos retrouvailles post "Marseille Cassis" (voir CR sur mon blog / Octobre 2015). Si mon vol était visiblement dépourvu de courageux venir courir l'UTAT, le leur était rempli d'aventuriers et d'avaleurs de pistes. "Tiens lui il vient faire le 105..." respect ! Côté bagages, pas de stress puisque chacun a bien récupéré sa valise remplie d'indispensables accessoires pour courir dans l'Atlas à commencer par une paire de chaussures adaptée. La prépa de ma valise s'est faite, au grand étonnement de Nathalie, sur 3 jours car le matériel n'est pas un détail : crème anti frottement, boisson chargée en glycogènes, chaussettes spéciales Trail, les gels énergisants, la couverture de survie, la poche d'hydratation, j'en passe!
Le bus qui nous charge est naturellement rempli cette fois de coureurs à 100%. Notre petit groupe de 4 coureurs baptisé "Aubagne dans la course" se fait encore plus petit à l'évocation du "menu" qu'ont choisi nos voisins mangeurs de kilomètres. "Je fais le challenge 42kms + 26 kms"..."je suis venu faire le 105 kms si possible en moins de 29 heures"..."Et toi?" Suit une réponse qui nous servira jusqu'à dimanche matin " je suis novice, je viens m'essayer sur le 26 kms". Et contrairement à ce que l'on pourrait vivre et entendre dans l'univers du "running urbain", la réponse a de quoi me surprendre : "c'est vraiment bien et courageux d'être venu ici". Qu'entent-il par bien et courageux? A nous de le découvrir durant ces 4 jours.

Le long de la route, nous discutons et échangeons des nouvelles non "running". Ce seront presque les derniers échanges non axés sur ce que nous allons vivre là-haut. La route se fait sous un soleil qui décline au fil des minutes. L'activité grouille le long de cette asphalte qui organise et régit un peu la vie des marocains. Les nombreuses échoppes vendant tour à tour des poteries, céramiques, de l'artisanat rythment notre montée dans l'Atlas. Nous observons, au travers de la vitre de notre mini bus, toutes les différences avec nos modes de vie douillets d'occidentaux urbains...sauf hélas dans la manipulation frénétique du Smartphone (Apple aime le Maroc...et vice versa).
Le CAF!
Il fait nuit quand nous arrivons au Club Alpin Français de Oukaimeden (Alt 2500 m) , station de ski pour amateurs de glisse entre février et avril. Le CAF grouille déjà de trailers venus essentiellement d'Europe qui célèbrent et manifestent leur plaisir de retrouver leurs pairs et compagnons de sentiers. Et là des noms de course évocateurs fusent et continuent d'impressionner les petits novices que nous sommes "Maxi race, UTMB, CCC, trail des glaciers, Diagonale...". Un peu déboussolés, nous cherchons en vain à identifier et recenser des coureurs inscrits comme nous sur le 26 kms. Aucun parmi ceux que nous rencontrons...Nous dinons sous l'immense la tente de vie qui hébergera nos repas du soir et petit déjeuner. Ses tables et chaises recouvertes de tissus blancs font d'avantage penser à un mariage auquel il manque les mariés, la pièce montée et les alcools. A table, notre petit groupe joue au jeu : "A ta silhouette, je dirai que tu cours le ...". En dinant nous faisons la connaissance d'un charmant couple qui revendique l'organisation de l'Ultra Trail d'Andorre. "Ca court à Andorre?" Plutôt oui! Avec son futur format de 233 kms de Trail en duo avec 20 000 mètres de D+, soit environ 20 montées de 1000 mètres de D+ chacune. Cela nous donne le tournis. On est ou là? On avait pas dit un gentil  petit trail Delphine? Une course sympatoche pour se mesurer un peu en montagne? Tout ce qui nous entoure et tous ceux que nous croisons portent résolument la marque de fabrique "Ultra". Un monde nous sépare (encore).

Oukaimeden Alt 2500m, sans la neige
Notre première soirée au CAF est ponctuée d'une anecdote savoureuse. une homme à la belle barbe blanche s'adresse à nous en nous disant qu'il prépare un reportage sur les coureurs berbères engagés dans l'UTAT. Je n'ose lui faire préciser sur quelle distance. L'homme se prénomme Eduardo JORNET, le père du célèbre Kilian (pape incontesté du l'Ultra Trail et Skye running mondial!). L'occasion est trop belle, je lui adresse cette phrase en français : "Vous êtes donc mon père!" en l'accompagnant d'une explication rationnelle que ses yeux écarquillés semblaient attendre " Je m'appelle Silian JOURNE". Une photo de moi et mon "papa" immortalise d'ailleurs cette belle rencontre. Dans notre chambrée nous sommes au nombre de 8. Les "4 novices" en quête de leur dépucelage sportif, Manu (engagé sur le 105), Anouk (sur le 42) et la paire Luigi/Rodolphe (Challenge 42 + 26 kms). On va vite découvrir qu'en Rodolphe vit un coach passionné et passionnant, totalement intarissable dès qu'on se met à évoquer la course à pied...Si, comme je le pense, ils me lisent depuis leur belle région ensoleillée, je les salue chaleureusement. C'est ça aussi l'UTAT, c'est de belles rencontres avec des gens qui partagent la même passion (avec beaucoup plus d'expérience quand même...) et qu'on sent nourris d'une belle énergie positive et saine.  Le Trail et la montagne unissent plus qu'ils ne désunissent les hommes, c'est évident! On vit vraiment ensemble avant de courir ensemble et c'est peut-être une différence fondamentale avec toutes les autres courses. Ajoutez le fait que nous sommes totalement isolés en montagne avec un style de vie qui ressemble à du casernement pour des fous de nature et course à pied. C'est du bonheur à l'état pur. Côtoyer le gratin de l'Ultra Trail, se fondre sans complexe dans cette communauté éphémère, qui aura disparue lundi, a quelque chose de grisant.


En cas d'insomnie, comptez les moutons
Monsieur El Morabity (à droite)
La journée de vendredi démarre sous un franc soleil qui réchauffe rapidement le cirque de montagne qui nous entoure. Certains sont déjà partis courir pour se dégourdir les jambes. Nous on préfère aller randonner tranquillement dans ces paysages sublimes et en profiter pour faire la reconnaissance des 6 premiers kms de notre course. On ressent de suite l'effet de l'altitude. Marcher dans ces conditions n'est pas compliqué mais courir? On marche seuls dans cette vallée parfois on croise des troupeaux de moutons ou de chèvres. Arrivés au col qui culmine à 3000m on rencontre une belle délégation allemande et suisse allemande. Parmi eux un coureur qui n'est pas venu pour "ramasser des merguez" (selon l'expression de notre ami Rodolphe). Rachid El Morabity (4X vainqueur du marathon des sables...) vient alors poser à côté de lui en lui souhaitant de battre son propre record sur le 26 kms (2H34). Le record tombera bien mais c'est Rachid lui même qui se chargera d'améliorer son propre temps de 10 mns! Le Suisse allemand, victime de troubles digestifs, ne sera jamais en mesure de lutter. Le pauvre devra s'arrêter 17 fois sur le parcours pour se "soulager" et mettra 2H50. Après course, je lui ai conseillé de prendre du Ricard la prochaine fois pour traiter ses troubles digestifs. Pas sûr qu'on trouve cela en Suisse. Revenus de notre reconnaissance, nous déjeunons "chez juju" d'un délicieux tajine. On met de côté la tartiflette bien présente sur la carte! L'après-midi est calme et certains coureurs commencent à préparer leur tenue et matériel pour le lendemain matin (départ du 105 et 42 kms annoncés pour 6H du matin). En fin de journée on se présente au briefing de course. La plupart sinon l'ensemble des coureurs sont  rassemblés sous cette grande tente qui abrite nos repas. Des consignes en trois langues (français, anglais, allemand) sont données pour rappeler à chacun les difficultés (haute altitude, balisage,  situation des PC course) et points de vigilance  (hydratation, horaires limite, matériel minimum requis...). A notre grand étonnement, le 26kms n'est pas du tout abordé. D'ailleurs on a fini par avoir confirmation du nombre de coureurs inscrits sur cette course seule (hors challenge 42+26). Nous sommes moins de 30 auquel il faut ajouter des coureurs marocains et ceux du challenge, soit environ 80 coureurs à s'élancer dimanche. L'altitude semble jouer le "trouble fête" car il est clairement rappelé qu'aucun trail, même dans nos belles alpes, ne se court à des altitudes aussi élevées.

On est venu pour voir ça! Magique
Ca va être compliqué de skier...
















C'est la "veillée d'armes" pour celles et ceux qui s'apprêtent à courir demain. Les derniers moments de repos sont les bienvenus pour ces courageux qui affronteront demain de longues distances. Anouk pense mettre environ 10H pour boucler son marathon, Manu espère mettre moins de 29H (temps de son 105 en 2015), Rodolphe a ponctué son temps avec l'altitude et table désormais sur 6H (42 kms), Luigi suivra autant qu'il pourra "le coach". Au terme d'une nuit en pointillés, ils quittent la chambrée vers 05H30. Sans quitter la chambre, je les observe partir à la lueur de leur frontales allumées. Le spectacle est magique et un peu angoissant. Vont-ils le faire? Vont-ils vaincre l'UTAT? Seront-ils de retour dans l'après midi pour certains ou demain pour d'autres? Ont-ils tous bien conscience de ce dans quoi ils "s'engagent"?

To be continued...

Briefing de course pour le 105 et 42.
  

   


      


 

UTAT 2016


UTAT 2016


UTAT 2016


UTAT 2016


UTAT 2016


UTAT 2016


UTAT 2016


UTAT 2016


UTAT 2016


UTAT 2016


UTAT 2016


UTAT 2016


UTAT 2016