mercredi 5 octobre 2016

UTAT, ou l'histoire du "Runner" qui voulait devenir "Trailer"

Meudon, lundi 3 octobre. Suis de retour à la maison après une parenthèse de 4 jours uniques et inoubliables passés dans l'Atlas marocain. Je ne suis pas sûr d'être capable de vous faire ressentir ce que nous avons vécu là-bas. Je me demande, encore un peu sonné, ou sont passés tous ces nouveaux amis fabuleux qu'il m'a été donné de rencontrer là haut? Une partie de moi plane encore dans la vallée d'Ikis au pied du Toubkal (4100 m) qui a fait de moi un "Trailer". "Allo maman, je suis Trailer!" Non...elle ne va rien comprendre. Mes amis Delphine, Edith et Olivier eux savent. Il me faut trouver une petite baguette magique pour écrire posément et avec force ce que mon excitation dérange. Trop de choses à dire, à restituer, à essayer de faire imaginer. Je suis littéralement pris au piège entre mes émotions encore vives et ce retour en plaine. "Allo mon cœur, alors c'était comment?" "Unique, inoubliable, peux pas te décrire..." Bon va falloir justement le décrire ce grand week-end UTAT. J'en fais une priorité absolue! Je le dois à ma "nouvelle famille" et à tous ceux et celles qui se reconnaitront, ne serait-ce qu'un peu, dans ce récit. Alors je ferme les yeux, je rembobine mentalement et me voilà à Orly Sud. Vous êtes prêts à me lire et à me suivre dans l'Atlas? Alors voici l'histoire du "Runner" qui voulait devenir "Trailer"...
Looking fit, moins de 80kgs.

Aéroport de Marrakech, jeudi 29 septembre, environ 17H (local time). Je descends de l'appareil et foule à pied le tarmac encore chaud en cette magnifique journée. Je ferme les yeux et je ressens un léger vent chaud qui me caresse le visage. Bienvenu au Maroc, quel accueil. Dans les lignes formées par les touristes pour les formalités de douane, je retrouve Delphine, Edith et Olivier arrivés peu de temps avant moi (vol direct depuis Marseille). Timing parfait et grands sourires pour nos retrouvailles post "Marseille Cassis" (voir CR sur mon blog / Octobre 2015). Si mon vol était visiblement dépourvu de courageux venir courir l'UTAT, le leur était rempli d'aventuriers et d'avaleurs de pistes. "Tiens lui il vient faire le 105..." respect ! Côté bagages, pas de stress puisque chacun a bien récupéré sa valise remplie d'indispensables accessoires pour courir dans l'Atlas à commencer par une paire de chaussures adaptée. La prépa de ma valise s'est faite, au grand étonnement de Nathalie, sur 3 jours car le matériel n'est pas un détail : crème anti frottement, boisson chargée en glycogènes, chaussettes spéciales Trail, les gels énergisants, la couverture de survie, la poche d'hydratation, j'en passe!
Le bus qui nous charge est naturellement rempli cette fois de coureurs à 100%. Notre petit groupe de 4 coureurs baptisé "Aubagne dans la course" se fait encore plus petit à l'évocation du "menu" qu'ont choisi nos voisins mangeurs de kilomètres. "Je fais le challenge 42kms + 26 kms"..."je suis venu faire le 105 kms si possible en moins de 29 heures"..."Et toi?" Suit une réponse qui nous servira jusqu'à dimanche matin " je suis novice, je viens m'essayer sur le 26 kms". Et contrairement à ce que l'on pourrait vivre et entendre dans l'univers du "running urbain", la réponse a de quoi me surprendre : "c'est vraiment bien et courageux d'être venu ici". Qu'entent-il par bien et courageux? A nous de le découvrir durant ces 4 jours.

Le long de la route, nous discutons et échangeons des nouvelles non "running". Ce seront presque les derniers échanges non axés sur ce que nous allons vivre là-haut. La route se fait sous un soleil qui décline au fil des minutes. L'activité grouille le long de cette asphalte qui organise et régit un peu la vie des marocains. Les nombreuses échoppes vendant tour à tour des poteries, céramiques, de l'artisanat rythment notre montée dans l'Atlas. Nous observons, au travers de la vitre de notre mini bus, toutes les différences avec nos modes de vie douillets d'occidentaux urbains...sauf hélas dans la manipulation frénétique du Smartphone (Apple aime le Maroc...et vice versa).
Le CAF!
Il fait nuit quand nous arrivons au Club Alpin Français de Oukaimeden (Alt 2500 m) , station de ski pour amateurs de glisse entre février et avril. Le CAF grouille déjà de trailers venus essentiellement d'Europe qui célèbrent et manifestent leur plaisir de retrouver leurs pairs et compagnons de sentiers. Et là des noms de course évocateurs fusent et continuent d'impressionner les petits novices que nous sommes "Maxi race, UTMB, CCC, trail des glaciers, Diagonale...". Un peu déboussolés, nous cherchons en vain à identifier et recenser des coureurs inscrits comme nous sur le 26 kms. Aucun parmi ceux que nous rencontrons...Nous dinons sous l'immense la tente de vie qui hébergera nos repas du soir et petit déjeuner. Ses tables et chaises recouvertes de tissus blancs font d'avantage penser à un mariage auquel il manque les mariés, la pièce montée et les alcools. A table, notre petit groupe joue au jeu : "A ta silhouette, je dirai que tu cours le ...". En dinant nous faisons la connaissance d'un charmant couple qui revendique l'organisation de l'Ultra Trail d'Andorre. "Ca court à Andorre?" Plutôt oui! Avec son futur format de 233 kms de Trail en duo avec 20 000 mètres de D+, soit environ 20 montées de 1000 mètres de D+ chacune. Cela nous donne le tournis. On est ou là? On avait pas dit un gentil  petit trail Delphine? Une course sympatoche pour se mesurer un peu en montagne? Tout ce qui nous entoure et tous ceux que nous croisons portent résolument la marque de fabrique "Ultra". Un monde nous sépare (encore).

Oukaimeden Alt 2500m, sans la neige
Notre première soirée au CAF est ponctuée d'une anecdote savoureuse. une homme à la belle barbe blanche s'adresse à nous en nous disant qu'il prépare un reportage sur les coureurs berbères engagés dans l'UTAT. Je n'ose lui faire préciser sur quelle distance. L'homme se prénomme Eduardo JORNET, le père du célèbre Kilian (pape incontesté du l'Ultra Trail et Skye running mondial!). L'occasion est trop belle, je lui adresse cette phrase en français : "Vous êtes donc mon père!" en l'accompagnant d'une explication rationnelle que ses yeux écarquillés semblaient attendre " Je m'appelle Silian JOURNE". Une photo de moi et mon "papa" immortalise d'ailleurs cette belle rencontre. Dans notre chambrée nous sommes au nombre de 8. Les "4 novices" en quête de leur dépucelage sportif, Manu (engagé sur le 105), Anouk (sur le 42) et la paire Luigi/Rodolphe (Challenge 42 + 26 kms). On va vite découvrir qu'en Rodolphe vit un coach passionné et passionnant, totalement intarissable dès qu'on se met à évoquer la course à pied...Si, comme je le pense, ils me lisent depuis leur belle région ensoleillée, je les salue chaleureusement. C'est ça aussi l'UTAT, c'est de belles rencontres avec des gens qui partagent la même passion (avec beaucoup plus d'expérience quand même...) et qu'on sent nourris d'une belle énergie positive et saine.  Le Trail et la montagne unissent plus qu'ils ne désunissent les hommes, c'est évident! On vit vraiment ensemble avant de courir ensemble et c'est peut-être une différence fondamentale avec toutes les autres courses. Ajoutez le fait que nous sommes totalement isolés en montagne avec un style de vie qui ressemble à du casernement pour des fous de nature et course à pied. C'est du bonheur à l'état pur. Côtoyer le gratin de l'Ultra Trail, se fondre sans complexe dans cette communauté éphémère, qui aura disparue lundi, a quelque chose de grisant.


En cas d'insomnie, comptez les moutons
Monsieur El Morabity (à droite)
La journée de vendredi démarre sous un franc soleil qui réchauffe rapidement le cirque de montagne qui nous entoure. Certains sont déjà partis courir pour se dégourdir les jambes. Nous on préfère aller randonner tranquillement dans ces paysages sublimes et en profiter pour faire la reconnaissance des 6 premiers kms de notre course. On ressent de suite l'effet de l'altitude. Marcher dans ces conditions n'est pas compliqué mais courir? On marche seuls dans cette vallée parfois on croise des troupeaux de moutons ou de chèvres. Arrivés au col qui culmine à 3000m on rencontre une belle délégation allemande et suisse allemande. Parmi eux un coureur qui n'est pas venu pour "ramasser des merguez" (selon l'expression de notre ami Rodolphe). Rachid El Morabity (4X vainqueur du marathon des sables...) vient alors poser à côté de lui en lui souhaitant de battre son propre record sur le 26 kms (2H34). Le record tombera bien mais c'est Rachid lui même qui se chargera d'améliorer son propre temps de 10 mns! Le Suisse allemand, victime de troubles digestifs, ne sera jamais en mesure de lutter. Le pauvre devra s'arrêter 17 fois sur le parcours pour se "soulager" et mettra 2H50. Après course, je lui ai conseillé de prendre du Ricard la prochaine fois pour traiter ses troubles digestifs. Pas sûr qu'on trouve cela en Suisse. Revenus de notre reconnaissance, nous déjeunons "chez juju" d'un délicieux tajine. On met de côté la tartiflette bien présente sur la carte! L'après-midi est calme et certains coureurs commencent à préparer leur tenue et matériel pour le lendemain matin (départ du 105 et 42 kms annoncés pour 6H du matin). En fin de journée on se présente au briefing de course. La plupart sinon l'ensemble des coureurs sont  rassemblés sous cette grande tente qui abrite nos repas. Des consignes en trois langues (français, anglais, allemand) sont données pour rappeler à chacun les difficultés (haute altitude, balisage,  situation des PC course) et points de vigilance  (hydratation, horaires limite, matériel minimum requis...). A notre grand étonnement, le 26kms n'est pas du tout abordé. D'ailleurs on a fini par avoir confirmation du nombre de coureurs inscrits sur cette course seule (hors challenge 42+26). Nous sommes moins de 30 auquel il faut ajouter des coureurs marocains et ceux du challenge, soit environ 80 coureurs à s'élancer dimanche. L'altitude semble jouer le "trouble fête" car il est clairement rappelé qu'aucun trail, même dans nos belles alpes, ne se court à des altitudes aussi élevées.

On est venu pour voir ça! Magique
Ca va être compliqué de skier...
















C'est la "veillée d'armes" pour celles et ceux qui s'apprêtent à courir demain. Les derniers moments de repos sont les bienvenus pour ces courageux qui affronteront demain de longues distances. Anouk pense mettre environ 10H pour boucler son marathon, Manu espère mettre moins de 29H (temps de son 105 en 2015), Rodolphe a ponctué son temps avec l'altitude et table désormais sur 6H (42 kms), Luigi suivra autant qu'il pourra "le coach". Au terme d'une nuit en pointillés, ils quittent la chambrée vers 05H30. Sans quitter la chambre, je les observe partir à la lueur de leur frontales allumées. Le spectacle est magique et un peu angoissant. Vont-ils le faire? Vont-ils vaincre l'UTAT? Seront-ils de retour dans l'après midi pour certains ou demain pour d'autres? Ont-ils tous bien conscience de ce dans quoi ils "s'engagent"?

To be continued...

Briefing de course pour le 105 et 42.
  

   


      


 

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