Welcome in UTAT, land of Ultra Trail! |
Drôle de sensation quand même, car nous avons déjà vécu et vu tellement de choses sans avoir encore couru le moindre kilomètre! Rien que pour ça l'UTAT est un événement vraiment à part. On vit et on partage avant de courir ensemble, c'est une expérience riche que nous vivons pour la première fois. Veille de course, nous dinons de poulet (ça doit faire le 4eme repas à base de poulet...) et avons gardé le meilleur pour la fin: le GatoSport cuit avec amour par Edith et Olivier. Cuisson parfaite, je me jette dessus en pensant à ce qui nous attend demain. Dans ma tête je me dit que chaque bouchée équivaut à moins de souffrance et plus de kilomètres. Avant d'aller dormir on guette les premiers arrivés du "105". Les organisateurs nous ont prévenus d'un dénouement possible un peu avant 22H (soit 16H de course...). Et les voilà enfin! Spectacle grandiose, une arrivée en duo tels de véritables aimants que le sport a rassemblé, magique, unique, UTAT! Au bout d'eux mêmes, ces gars donnent une impression de fraicheur, c'est enivrant.
Les deux champions UTAT 2016 (105 kms) deux Français, Cocorico! |
Dimanche 7H30, branlebas, tous les coureurs au poste de combat! Le CAF s'agite telle une ruche avec en son sein des abeilles remplissant leur juste besogne. On se douche, on s'habille, on vérifie son sac, on se tartine de crème, on ajuste son sac, on teste sa caméra, on vérifie son sac d'hydratation, on check aussi sa montre, bref on y est...
08H50 tous les coureurs se réunissent sous une tente avant le départ. On est moins de 80 coureurs sous une tente pouvant en réunir le triple. Les dernières consignes sont données lors d'un briefing plutôt rapide mais nécessaire. On immortalise le moment en prenant quelques clichés. Tout le monde est d'humeur joyeuse. On va manger du trail. 3 minutes to go! On sort tous de la tente sous un franc soleil. Départ donné par le sympathique speaker qui nous souhaite à tous une "bonne année"...suis pas sût d'avoir compris. J'ai l'esprit un peu ailleurs, je suis déjà dans ma bulle. Au top départ, on court enfin et pour la première fois lors d'un départ de course je suis traversé d'une émotion qui me fait presque monter des larmes. Je fait tellement corps avec cet environnement que j'en éprouve un plaisir inouï. Un élément vient vite me rappeler que j'évolue en altitude : la pression au niveau de ma carotide est forte, du jamais vu. Pourtant mon cardio fréquence indique de bonnes valeurs mais mon corps en signale d'autres et à ce jeu c'est mon corps qui a forcément raison. Ma montre ne me sert donc à rien sauf à me donner mon temps de course (dont j'ai que faire) et le kilométrage parcouru. J'essaie de coller aux jambes de Rodolphe qui me donne quelques conseils que j'applique. ne pas courir ici, ne pas aller plus vite, bien se servir des bras sur les cuisses dans les montées...bref je continue mon apprentissage. Je ne sais pas ou sont mes camarades de course mais suis persuadé qu'ils sont déjà loin derrière moi. J'attends le premier col (6kms de course / Altitude 3000 m) sans trop de mal. La descente (sur 10 kilomètres) qui se présente à moi me fascine et me fait un peu peur. Je vois Rodolphe rapidement s’éloigner car il mène un rythme qui me conduirait rapidement à l’accident. Je décide à l’instinct de m’inspirer de celui qui me précède d’environ 20 mètres. J’essaie de mettre mes pieds à peu près là il pose les siens, je fais très attention aux reliefs, aux roches, aux virages dans lequel ton poids peut t’emporter un peu, bref j’apprends en méthode accélérée. 5 bonnes minutes de ce training commencent à me donner un peu de confiance. J’ose plus, j’engage mon corps avec moins retenue, bref je suis en train de me rapprocher à délice de mon lièvre que je suis sur le point désormais de dépasser. Ce coureur ne saura jamais toute l’importance qu’il a eu dans ma découverte du trail en descente. Je tente de regarder ponctuellement le paysage mais c’est prendre des risques à ce stade. J’exulte, j’adore cette façon de courir en montagne. Encore une fois je me dis que je suis né pour ça, Natural Born Trailer ! Un coureur se fait désormais sentir dans mon dos, il attend patiemment le bon moment pour me doubler. L’esprit trail veut que tu le laisses passer sans trop attendre, ce que je fais. Passe donc devant moi un grand type que j’observe un peu. Il ressemble bigrement à Olivier…mais c’est Olivier ! C’est le « Griffaton day » aujourd’hui car Olivier semble très à l’aise en descente et mène désormais la danse. Il n’a même pas calculé qu’il m’avait doublé. Je me signale et nous voilà partis pour une descente à deux qui durera un bon moment.
Au premier village berbère que nous traversons, la présence d’enfants nous fait du bien. Ils rient et s’amusent de nous voir passer en courant. On leur adresse quelques mots rapides, une petite tape de la main, bref deux mondes qui se croisent furtivement. D’autres s’arrêtent pour leur offrir des stylos (comme Luigi) et prendre des photos avec eux. Arrivés au kilomètre 10, la descente se fait désormais sur des pistes carrossables beaucoup plus douces pour nos genoux et surtout plus rapides pour moi. Je déroule, je double, je vole ! Dans ma tête je fais un premier bilan : 1ere montée, FAITE, grosse descente, FAITE, reste à peine 5 kms jusqu’au prochain ravitaillement puis la fameuse montée de 10 kms.
Arrivé au ravito marquant le début de la montée, je remplis ma poche d’hydratation et je cherche du salé. Plus de Bretzel comme au ravito précédent alors je me rabats sur des chips (moins digestes).Quand Olivier parvient au ravito, je décide de repartir. Il en sera ainsi jusqu’au bout ce qui lui donnera la motivation de s’accrocher. La montée commence (il est 11H15 à ma montre) et à l’allure ou je marche, je sais qu’elle va être longue… 12 Mns au kilo…Ah ouais c’est lent dis-moi. Je balance au maximum les bras pour m’aider à trouver une sorte de balancier. Les muscles répondent parfaitement mais mon souffle est encore une fois contraint par l’altitude. Je suis incapable de relancer même en trottinant. Dans la montagne je distingue 7/8 coureurs devant et 4/5 en dessous (dont Olivier). Les écarts après une heure n’ont que très peu évoluer. Tout le monde est à fond en marchant à moins de 5km/h ! En revanche ce rythme nous offre l’occasion d’admirer pour de bon les montagnes qui nous entourent à commencer par le Toubkal, majestueux.
Un faux plat signale l’arrivée proche à l’ultime PC avant l’arrivée. Le décor fait de terre rouge et de petits conifères soufflés par le vent est sublime. Je me relance et coure légèrement quand les premières crampes se manifestent, merde pas maintenant ! Je me remets à marcher et essaie d’étire au maximum à chaque pas, ça passe, ouf. Au dernier ravito on m’offre du thé à la menthe (sois bénie !). Moment apaisé ou mon corps est encore alerte mais plus du tout à 100%. Le doc me questionne, m’évalue, me conseille de profiter de la prochaine rivière pour mouiller mon chèche et me rafraichir, je l’écoute religieusement. Olivier arrive, je l’encourage ce qui revient à m’auto encourager, je repars. Une heure a été nécessaire pour faire 5 kms, il en reste environ 5. Ce seront les plus difficiles. Le relief est encore plus abrupt mais parsemé d’arbres qui offrent une ombre bienvenue. Tous les 800 mètres, je m’offre une pause d’une demi-minute et en profite pour crier mes encouragements à Olivier (environ 50 mètres plus bas). J’ai envie d’en finir, je suis dans le dur. Je marche à 2.5km/h et j’ai l’impression de ne pas pouvoir aller plus vite. Le « mur » du Trail…
Red Planet |
Enfin j’aperçois les deux mats et drapeaux marocains en haut du col mais ils sont encore à bonne distance (1 bon kilo d’après ma montre). Et mes crampes reviennent même en marchant. Fatalisme ? Je repense au Cross du Mont-Blanc (voir Blog juin 2010) et je ne suis pas serein. Vais-je cette fois me montrer à la hauteur de la montagne que je m’apprête à gravir ou vais-je finir telle une grande saucisse incapable de se mouvoir et remerciant chaque mètre parcouru. Je m’étais fait à l’idée de finir proprement et dignement ce trail et pas d’être en trop grande souffrance. Je bois, je respire, je ferme les yeux, je fais le point et quand je les ouvre c’est comme un nouveau départ. Tout est géré, payé, je peux continuer. En m’approchant du dernier col je croise une finisher du « 105 ». Mes douleurs disparaissent totalement quand je lui adresse mes félicitations avec un peu d’émotion dans la voix. Je me rends compte que je n’ai parlé à personne depuis environ une heure. Elle me sourit mais elle semble vraiment à bout. Je la « lâche » à environ 4 km/h. J’avance totalement magnétisé par la vue des deux drapeaux qui grossissent à chaque pas. Mon corps est totalement secoué par l’émotion de l’arrivée prochaine. Mon menton tremble mais les larmes ne viennent pas. Mes yeux sont humides. Je suis Trailer, ça y est ! C’est là qu’a lieu mon baptême, c’est ici que je suis né Trailer, c’est sur ces quelques mètres que mon émotion atteint une force irrésistible qui fait chavirer mon corps de bonheur, quelque chose que je n’ai jamais ressenti avant…
Les deux drapeaux marocains sont enfin là. C’est la délivrance ! Entre
ces deux mâts, Oukaïmeden s’offre de nouveau à moi. Ne reste plus qu’à lancer
son corps sur ce qui ressemble à moins de 600 mètres de descente douce. Si je
veux, je suis en bas dans 4 mns mais je ne veux pas descendre tout de suite. Je
jette un dernier regard à cette longue montée qui m’a tant couté. Efforts
intenses d’un nouveau genre avec toujours cette altitude qui ne me lâche pas. La
tête tournée vers la vallée et l’arrivée qui m’attend, je m’approche tour à
tour des deux mâts sur lesquels je dépose un baiser, celui de ma reconnaissance
éternelle.
Oukaïmeden again! Arrivée en vue! |
Remis et assis au soleil en croquant dans un sandwich bien reconstituant on
se dit que les filles vont souffrir, qu’elles vont devoir aller chercher au
fond d’elles-mêmes pour passer l’UTAT, pour vaincre ces montagnes. Je n’ai pas
fini mon sandwich quand Olivier croit voir passer Edith…Je sais qu’il est
fatigué et je ne veux pas lui donner de faux espoirs. Pour moi il est carrément
impossible qu’une fille comme Edith (avec tout le respect que j’ai pour la runneuse
que je commence à connaitre) puisse finir en moins de 4H40. Et pourtant c’est
bien elle ! Les « Griffaton » sont des Trailers nés !
Revenus au CAF et douché, j’ai la chance de me faire masser et continue de
penser à notre Delphine qui doit encore batailler ferme pour finir son premier
trail. On a décidé de remonter au col pour l’accueillir. Du moins c’est le
projet car qui déboule en salle de massage presque aussi fraiche qu’une rose ?
Delphine ! Décidemment les féminines nous bluffent. Edith finit pour la
première fois de sa vie au pied d’un podium ! 4eme féminine de l’épreuve à
moins de 2 mns de la 3ème. Delphine boucle en moins de 5H20 accompagnée de Stéphanie et de Bertrand (un couple de trailers venu du Grand Bornand ou l'on tutoie les montagnes). Du « lourd »
avec le plaisir et c’est précisément comme ça qu’on aime que les choses se
passent. La fin d’après-midi est terriblement joyeuse (« Violently happy »
comme dirait Bjork). On se sent léger, pas si fatigué que ça. On a vaincu « notre »
Utat. Le Champagne va remplir nos gobelets de course ressortis exprès pour
célébrer notre intronisation dans notre « nouvelle famille ». Dans
nos têtes on sait qu’on a désormais une nouvelle particularité, un ADN
invisible pour le quidam mais bien en nous : On est TRAILERS !
A SUIVRE : UTAT L'épilogue...
A SUIVRE : UTAT L'épilogue...
Les 4 nouveaux membres de la "grande famille" du Trail |
Ivre de champagne ou d'altitude...? les deux! |
"Notre" Podium féminin. Stéphanie, Edith et Delphine (de droite à gauche) |
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