vendredi 3 mai 2019

Madrid te mata y te quiero!


On your start!
Par ou commencer, que dire, quoi retenir de cette course incroyable qui m'a encore permis d'établir un nouveau record dans des conditions qui ne devaient pas favoriser la performance? J'ai conquis cette 9eme étoile dans une douleur/bonheur qui me renvoie encore pas mal de questions! Avec une prépa légèrement amputée et largement adaptée sur la fin, j'ai encore prouvé que j'avais d'incroyables ressources. On m'avait dit "Madrid? C'est pas roulant, n'y va pas pour le chrono mais le plaisir, profite, savoure, blablabla...". Pas roulant? Alors merci de m'expliquer comment j'ai battu mon meilleur chrono sans avoir suivi ma meilleure préparation! Je pense avoir fait la course parfaite, celle qu'on ne réalise peut être pas deux fois dans une vie. Laissez moi donc vous raconter "la course d'une vie..."

Petit retour en arrière, nous sommes à 10 jours du marathon et je viens de "donner" ma traditionnelle interview à J-10 entouré de mes enfants. Je suis plutôt sérieux et raisonnable dans cette dernière ligne droite et ne m'accorde aucun écart. Je me sens globalement un peu fatigué mais je sais par expérience que la dernière semaine va m'offrir une recharge d'énergie bienvenue. Plutôt excité par la perspective de courir à Madrid il y a cependant quelque chose qui me dérange. Mon ami Matthew ne pourra pas courir car il est franchement blessé. L'idée qu'il manque un soldat sur la ligne de départ/arrivée est dure à accepter et me rappelle la difficulté et risques de cette discipline.
It's plastic day!

Madrid J-1. Débarquer la veille d'un marathon dans une ville qu'on connait un peu c'est finalement le meilleur moyen d'éviter de gamberger. On pose nos valises dans notre bel Airb&b et on se fait une "pasta gatosport party". Minuit, dormez braves gens...en fait non...la rue est animée et quelque peu bruyante car nous sommes vendredi soir encerclés de bars à tapas et tout le monde n'a pas pour projet de courir demain. Je tente de rassurer Minou pour son 10kms du lendemain : "t'inquiète... la dernière nuit n'a pas vraiment d'importance". Dans ma tête je visualise le parcours et j'espère sincèrement que mes derniers choix seront payants (chaussures, tenues, entrainements, nutrition...).

Somos juntos, Animo!
Jour J 6H30. Réveil on enfile sa tenue, on finit son Gatosport et on se retrouve dehors sous un soleil radieux. Les rues sont désertes. Seuls des coureurs en couple ou petits groupes se dirigent comme nous vers les stations de métro les plus proches. J'ai l'impression d'être à côté de mon corps mais ne m'en inquiète pas. J'ai mal dormi comme à chaque veille de marathon. Il me suffit d'être reconnecté au bon moment c'est à dire dans environ 45 minutes...
Première belle émotion pour moi celle de voir partir Minou pour son premier 10kms. Elle semble un peu perdue dans cette masse de coureurs mais je sais qu'elle va bien faire parce qu'elle est prête.
J'accède très facilement à mon corral 15 minutes avant le départ officiel. Se mélangent alors des coureurs de semi et de marathon ce qui est une donnée importante car les rythmes de course ne seront, pour la plupart, pas du tout les mêmes! Je me relaxe, je me sens bien et enfin reconnecté. Mon corps a faim de kilomètres, ça tombe bien je vais lui en offrir un peu plus de 42.

8H50 Boum c'est parti sur le paseo de la Castellana et ça grimpe doucement, déjà...Après 2 kms en montée je m’aperçois que le dénivelé ne me coute que 15'' au kilo quand j'avais craint plus. Je réalise  même 2 kms en 4'40''. Certains sont franchement plus rapides mais en y regardant de plus près ils ont souvent le dossard gris, celui du Semi! On laisse sur notre droite "Bernabeu Real Madrid CF" et je ne peux m'empêcher de crier "Hala Paris!". Calle de Bravo Murillo est un bonheur car ça descend doucement et sans forcer je commence à enregistrer de jolis kms 4'24'', 4'19'', 4'15'' Ouah mais je suis en forme moi! J'avais par orgueil ou par bêtise décider d'écrire sur un petit bout de papier les temps intermédiaires pour réaliser 3H16' alors que mon objectif du jour était environ 3H25. Je décide de la regarder tous les dix kilomètres. Au passage du 10 kms, j'ai 2' d'avance!! Au 20kms 3' et au 30kms 5' !! Et si c'était mon jour? Et si contre toute attente j'allais battre ici mon record? Sur la terre du taureau, sur celle dont j'ai dit un jour (certes un peu alcoolisé) que j'aimerai y mourir...A cet instant je ne suis plus le gars de Sèvres, je suis pour de bon "El Nino de Neuilly". Mais la prudence prévaut car un marathon peut réserver beaucoup de pièges et je sais que le final sera terrible.

Le rendez-vous réussi avec Minou, Katell et Matthew au 22eme m'a bien boosté. Nathalie a eu le temps de me glisser à l'oreille son temps aux 10kms et suis bluffé. Et que dire des encouragements de Matt...je cours aussi pour toi aujourd'hui mon ami, je n'ai pas le droit de flancher.
Km 30 la traversée du paseo de los platanos me m'inspire pas. Il commence à faire chaud et les crampes me guettent. Je reprends de la Sporteïne mais je ne me sens pas vraiment mieux. A ce moment là je sais que l'objectif de le finir sous les 3H30 est atteint sauf accident mais une petite voix que je reconnais bien me dit qu'il y a autre chose à aller chercher, que c'est à portée de jambes mais qu'il va falloir tenir encore une heure. J'en ai terriblement envie mais je sens les premières difficultés. Mes muscles ne sont pas loin de se tétaniser si ma foulée est trop longue ou si je cherche à accélérer. En revanche mon cardio depuis le départ a de quoi me surprendre. Je ne dépasse pas une seule fois les 145 bpm ce qui ne m'est jamais arrivé et encore moins lors d'un marathon. C'est peut être parce que je suis moins bavard que d'habitude. "Hoy es tu dia". Peut être, oui mais franchement ce n'est pas le jour des camarades que je double sur cette portion. Certains sont déjà à l'agonie. Partis trop forts? Ravitos mal gérés? Problème de déshydratation? Ça me rappelle que ma gourde personnelle est vide et je décide de la jeter. Adieu ma gourde, tu m'as tant servi! Je suis en train de parler à une gourde? Je déraille ou quoi? Km 35 c'est dur pour ne pas dire plus. Je sais qu'il me reste un dernier RDV avec Minou Katell et Mat au Km 38. Je pense à Delphine qui est partie 20' après moi. Je ne m'inquiète pas pour elle mais j'aimerai tant la voir passer encore sous les 4H. Allez...un pas devant l'autre, concentre toi. Mais qui a tracé ce marathon ? bor...! J'ai systématiquement un écart de 500 mètres avec le vrai km. Les vraies crampes ne sont pas loin malgré une hydratation correcte. Il fait de plus en plus chaud et le bitume de Madrid a pris quelques degrés.

Bienvenue au Km 38, ça commence par une jolie montée...l'ambiance générale sur le parcours est bon enfant mais n'a rien d'extraordinaire. Hormis quelques groupes de rock ou DJ, c'est plutôt calme. Je m'y attendais mais je ne serai pas contre un peu plus d'encouragements. Mes jambes, ma tête, mon cœur ont besoin de carburant. Ah justement! Voici mon ultime RDV avec Nathalie et les amis. Ça fait du bien de les voir. Je prends le temps de savourer leurs soutiens. C'est comme une caresse qui te booste et évacue toute pensée négative. J'ai plus qu'un truc en tête : courir jusqu'à cette ligne d'arrivée quoi qu'il en coûte et si possible en moins de 20 minutes...

Km 40, j'avale un dernier gel énergétique. La pente est douce mais régulière. Un coup d’œil à la montre me confirme que je suis en train de faire quelque chose de grand. 3H05. Tablant sur une allure maxi de 5' au kilo pour les deux derniers à parcourir, cela me confirme que malgré les 500 put...de mètres d'écart je vais faire tomber mon record! L'idée à partir de cet instant est de geler mes émotions, ne pas se laisser aller, rester dans le contrôle, ne pas se laisser griser trop tôt. Mais de quoi ai-je peur enfin? La "remontada" n'existe pas au marathon...je vais taper ce record, c'est acquis! 3H16. La dernière ligne droite est parfaitement à l'ombre maintenant. Je vois l'arrivée, la foule est beaucoup plus dense et les hauts parleurs crépitent alternant musique et la voix forte de l'animateur de la "finish line". Dans ma tête tout se bouscule, je ressens une émotion énorme, je m'adresse à mes "fantômes", je fais ma célébration, j'y suis! 3H17, je pose un pied sur la ligne d'arrivée et je crois avoir hurlé "Yo soy el Nino de Neuilly!". Je déambule dans la zone d'arrivée tout en continuant de me galvaniser. J'ai été "MONSTRUEUX"!  J'ai fait la course parfaite.

Campeon!!
En quittant la zone d'arrivée, je tombe par hasard sur Nacho et Gerardo qui viennent de terminer leur Semi. On se congratule naturellement et on profite des fontaines des Cibeles pour prendre la pose et quelques photos pour qu'on se souvienne bien de ce moment. Je ne résiste pas à l'envie de me baigner dans l'immense fontaine comme le font les madrilènes les soirs de titre du Real de Madrid...Je suis non seulement parvenu à conquérir Madrid mais je suis désormais baptisé à l'eau de la ville.

Gerardo con El Nino















Le bilan général est aussi excellent. Delphine, malgré 2 arrêts techniques, réalise un beau chrono au marathon en 4H10. Sa fille Alexandra a couru le Semi en 2H05 et Minou signe son premier 10kms en 1H11...Je prends une jolie 801eme place au général (142 sur ma catégorie) sur un marathon réputé difficile même pour les kényans qui n'arrivent pas à descendre sous 2H08...


En mode Bad?? :-)

Sacrée Finisheuse!
 

Aucune faute de gout, tenue assortie à l'arrivée!

115 kms courus réunis!

Sur la terre des taureaux, El Nino de Neuilly a fait une "faena" parfaite. Ce record lui appartient mais il le partage volontiers avec son Kiné Ziad, ses anges protecteurs et bienveillants, son ami Matthew (cette petite minute est pour toi!) et Coach Rodolphe dont la première réaction a été : "Maintenant place aux vrais chronos, la ballade est terminée..." 

El Nino de Neuilly en Plaza de Toros!
P.S : J.L Godard remerciait bien l'ouvreuse du cinéma Mac Mahon...moi je tenais aussi à remercier le sauna et la douche froide du Stade Français...